Il a été accueilli par des membres de sa famille, des amis et des collègues d'El Watan, à leur tête le directeur de la publication, Omar Belhouchet. Les traits tirés par plusieurs heures sans sommeil, Djamel raconte sa mésaventure rifaine : «Il fallait être un atèle pour tenir. Après des heures de voyage dans un train vers Nador, et le travail qui exige de l'éveil, j'étais resté sur une chaise durant les 24 heures de ma détention. Je n'ai pas fermé l'œil pendant 36 heures, à part des petits moments d'assoupissement.» Interpellé dimanche 28 mai, vers minuit, à Nador dans le Rif marocain alors qu'il couvrait des manifestations, notre confère est emmené dans un commissariat. Les questions des policiers ont porté sur son identité, les objectifs de sa présence dans cette région du Rif en rupture avec le makhzen et les relations qu'il entretiendrait avec des activistes du Hirak rifain. Le reporter d'El Watan est interpellé alors qu'il s'apprêtait à sortir son boîtier pour prendre des clichés du rassemblement. «C'est au moment où je sortais mon appareil pour prendre des photos que des policiers m'ont repéré et interpellé. J'ai été alors emmené au commissariat des RG, où j'ai été retenu dans un petit bureau, assis sur une chaise. Dans ce commissariat et un autre des PJ, où j'ai été déplacé, on m'a posé des questions sur mon identité, l'objectif de ma présence dans la région, mes liens avec des activistes. Les policiers qui ont vérifié mon carnet voulaient obtenir les preuves que j'étais un émissaire d'Alger venu là donner des fonds pour le Hirak», signale Djamel. Notre confrère a pu donner à ses interrogateurs d'un jour les preuves qu'il est un journaliste confirmé, et qu'il a pu réaliser des reportages dans cette région du nord du Maroc sans qu'il ne soit inquiété. «Lors d'un précédent reportage, alors que je cherchais à avoir une autorisation, on m'a expliqué que cette dernière est obligatoire pour les accréditations», explique-t-il en très bon reporter au long cours qu'il est. Retenu par les policiers, qui le relançaient à chaque fois, Djamel arrêté avec une quarantaine d'autres activistes entendait les cris des manifestants qui encerclaient le commissariat. Les policiers, qui lui ont fait signer le PV contenant ses déclarations, ont fini par lui permettre de joindre son contact local et c'est ainsi que son interpellation a été connue grâce à ses contacts rifains et au pays. Omar Belhouchet directeur de la publication d'El Watan, informé de l'arrestation de Djamel à 3h, avait contacté au petit matin les autorités algériennes «pour venir en aide» au journaliste. Le ministère des Affaires étrangères a annoncé, par la voix de son porte-parole, que la «procédure de protection consulaire» a été activée par le ministère des Affaires étrangères afin de libérer le journaliste du quotidien El Watan. Le Syndicat national des journalistes (SNJ) avait dénoncé «avec force», l'attitude des autorités marocaines face à cette arrestation «brutale et abusive, et que rien ne saurait justifier». Reporters sans frontières (RSF) avait exigé sa «libération immédiate», via son bureau chargé de la région Afrique du Nord.
Prêt à y retourner Le virage pris par le mouvement de protestation au Rif à partir de vendredi dernier, suite aux rumeurs sur l'interpellation du leader de la contestation, Nasser Zefzafi, a rendu le travail du journaliste plus délicat et son interpellation probable. «Les autorités marocaines n'avaient pas intérêt à ce que des journalistes soient là et ainsi témoigner de la vigueur de mouvement. Une semaine plus tôt j'aurais fait tranquillement mes reportages», signale-t-il. Le journaliste reconnaît que les policiers marocains ne l'ont pas maltraité. «Les policiers étaient corrects», relève-t-il. Les autorités marocaines ont décidé d'expulser le journaliste. Il sera conduit après 24 heures d'interrogatoire de Nador à l'aéroport de Casablanca. Une fois sur place, les policiers l'ont obligé à changer de billet. «Je devais rentrer jeudi prochain. Les policiers m'ont emmené à une agence de la Royal Air Maroc, où ils ont entamer toutes les procédures pour me mettre dans l'avion», indique-t-il. La police du makhzen a décidé de garder le matériel du journaliste (portables, appareil photo, dictaphones). «C'est la justice qui en a décidé ainsi», s'est-il entendu répondre par ses accompagnateurs. Malgré les brimades, Djamel compte retourner au Maroc. «Le mouvement des Rifains est pacifique, il est porteur de valeurs justes. J'aurais bien voulu rendre compte de la situation, mais malheureusement je n'ai pas pu le faire. Mais je compte y retourner», précise-t-il. Omar Belhouchet tient à exprimer ses remerciements à ceux qui ont soutenu notre collègue. «Je tiens à remercier les autorités administrative, politique et diplomatique pour leur soutien. Je tiens à remercier aussi tout le monde pour l'aide apportée pour retrouver notre ami», se réjouit-il.