Les pharmaciens d'officine menacent de recourir à une grève nationale en cas de suspension de l'article 27 du décret 09-396 du 24 novembre 2009 portant sur le conventionnement avec les Caisses de sécurité sociale», indique un communiqué rendu public hier par le Syndicat national des pharmaciens d'officine (Snapo). Le bureau national du Snapo compte se réunir, le 1er juillet, en session extraordinaire pour examiner cette question, précise le vice-président national du syndicat, Abdelhak Zefizef. «Aujourd'hui, le Snapo ne peut cautionner une mesure qui causera la faillite de la profession et provoquera une grogne générale et nationale», explique-t-il. Le décret en question avait été élaboré, rappelle le Snapo, pour réformer le tiers payant, mais aussi pour introduire des mesures incitatives pour l'encouragement du générique et de la production nationale. Il a également permis le transfert de la prise en charge des assurés sociaux vers les officines constituant, de ce fait, une énorme charge administrative et sociale pour les pharmaciens. «D'énormes dépenses ont été engagées, en sus du recrutement et d'au moins 45 000 personnes par les officines, ajoute M. Zefizef. Le décret 09-396 est venu, à travers certaines dispositions, compenser partiellement toutes ces charges et contraintes financières.» Dans ce décret, la mesure phare et la plus importante pour les pharmaciens conventionnés est celle qui consiste à attribuer l'incitation sur la valeur du produit (art-20). C'est une mesure, souligne M. Zefizef, qui a contribué grandement à l'épanouissement de la production nationale, l'encouragement de l'investissement et à la réalisation d'énormes économies pour les Caisses de sécurité sociale. Selon lui, la production nationale couvre en valeur 50% du marché national depuis d'application de ce décret. Or, depuis l'annonce faite par la CNAS et la Casnos de revoir cette disposition, «cette croissance a fortement ralenti en 2016 et 2017», révèle-t-il. Face à cette situation, des contacts directs ont été établis par le Snapo avec ces deux caisses et deux réunions présidées par le secrétaire général du ministère du Travail ont été tenues entre janvier et avril 2017. «Au vu du déroulement des discussions, le bureau national exprime sa plus grande inquiétude quant aux résultats qui sont très peu prometteurs. Nous n'avons décelé aucune volonté d'aboutir à un compromis tenant compte des retombées dramatiques que cette mesure va entraîner pour l'économie nationale et pour l'avenir immédiat des pharmacies», s'inquiète M. Zefizef. 3600 officines risquent la faillite D'après lui, la suppression des mesures incitatives entraînera, inéluctablement, la fermeture directe de plus de 3600 officines, la résiliation inévitable du tiers payant par au moins 5500 pharmaciens et freiner les investissements dans l'industrie pharmaceutique. «La situation est grave, très grave même. La suppression des incitations risque de provoquer une réaction que nul ne peut mesurer au sein de la profession», avertit M. Zefizef. Pour Kadi Latrèche, pharmacien à la rue de la Paix, dans la ville de Sidi Bel Abbès, l'une des conséquences probables de la suspension de l'article 27 du décret 09-396 sera l'abandon de la promotion du médicament générique au profit des molécules-mères, bien plus onéreuses. «Pour éviter la faillite pure et simple, beaucoup de pharmaciens seront contraints de faire du chiffre en supprimant des emplois ou en favoriser la commercialisation des molécules-mères, deux à trois fois plus chères que le générique», a-t-il déclaré. Ce sont les couches les plus défavorisées qui supporteront cette différence de prix étant donné que le tarif de référence est supporté par l'assuré, fait-il remarquer. Les retraités et les personnes démunies «seront durement affectés par ce réajustement des prix», prévient-il. Service public Outre le fait d'avoir facilité la prise en charge et le remboursement du patient, M. Latrèche rappelle que le système du tiers payant a permis de réaliser des économies substantielles, tout en ramenant les marges bénéficiaires des pharmaciens de 40 à 20%. «Les pharmaciens ont accompli un travail gigantesque consistant à changer les habitudes thérapeutiques des patients, avec le recours presque systématique au générique», souligne-t-il, Son collègue, Tabet Derraz Mourad, estime que la suppression de l'article 27 du décret suscité mettra en péril, inévitablement, le fragile équilibre financier des officines qui assurent une mission de service public dans les petites villes et les communes de l'arrière-pays. «Il est important de préciser qu'une pharmacie n'est pas un simple commerce, mais un maillon important du système de santé publique», soutient-il. Pour lui, la suppression des mesures incitatives intervient au moment où le train des réformes du système de conventionnement est mis sur les rails. En effet, la liquidation et la saisie des feuilles de maladie, le traitement des vignettes, sans compter les nouvelles missions que ces caisses veulent imposer aux pharmaciens (activation des cartes Chifa et consultation de l'historique des consommations des assurés sociaux) sont autant de tâches désormais dévolues aux pharmaciens. «C'est pour soi-disant assurer leurs équilibres financiers que les caisses d'assurance veulent supprimer ces incitations. C'est incompréhensible et tout simplement inadmissible après tant d'efforts et de sacrifices de la part des pharmaciens ayant appuyé toutes les réformes engagées depuis des années», constate M. Tabet Derraz.