Le Premier ministre, Abdelmadjid Tebboune, veut-il mettre de l'ordre dans la configuration institutionnelle ? Si pour certains acteurs et observateurs politiques le chef de l'Exécutif veut rompre avec le populisme et le consensus qui défiguraient l'image de l'Etat, les partis politiques, quant à eux, ont différemment interprété le geste de M. Tebboune et ont vivement critiqué la position de Sidi Saïd. De l'avis du politologue Mohamed Taïbi, le chef de l'Exécutif veut d'abord recentrer la décision et délimiter son territoire de Premier ministre. Il veut réserver et préserver son espace, et ce, à travers une reconfiguration des acteurs et des secteurs. «Tebboune veut pousser ceux qui gravitent autour de l'Etat, comme Haddad, à rendre des comptes. Le Premier ministre n'est pas dans la logique d'un règlement de comptes, mais il s'agit beaucoup plus de se conformer à ses engagements formulés dans le plan d'action du gouvernement», explique M. Taïbi, qui pense que M. Tebboune veut donner un cachet particulier à son action. Une action qui a une portée politique plus qu'organisationnelle. Pour bon nombre d'observateurs, le nouveau chef de l'Exécutif tentera de récupérer la fracture qui a existé entre les citoyens et l'ancien Premier ministre, mais ces observateurs ne savent pas jusqu'où ira Tebboune ? Le Parti des travailleurs, dirigé par Louisa Hanoune, rappelle que l'oligarchie avait la mainmise sur les plus importantes institutions du pays, à commencer par les assemblées élues. Aujourd'hui, pour le PT, il s'agit de réhabiliter l'Etat qui a été malmené. C'est une question de patriotisme. «Le Premier ministre a parlé de la séparation de l'argent du politique, cette décision et d'autres annonces ont dérangé certains qui font de la résistance au changement», affirme Taazibt. Pour le PT, si le pays va mal, ce n'est pas à cause de la chute des prix du pétrole. Tebboune a agi au nom du président «La chute des prix du pétrole a révélé la gravité du siphonnage, des passe-droits, de la dilapidation, de la surfacturation. Si l'Etat ne récupère pas ses droits, notamment les biens fonciers non exploités, les entreprises bradées, nous irons droit dans le mur, mais dans le cas contraire, il n'y aura pas de politique d'austérité», affirme Taazibt qui pense que Tebboune a agi au nom du Président. Le PT se félicite d'aller dans cette direction, mais il attend plus du Premier ministre, il veut l'intervention de la justice pour situer les responsabilités. «Il ne faut pas que cela reste au stade de la polémique», soutient Taazibt, qui n'a pas ménagé le patron de l'UGTA en précisant que le PT n'a jamais été pour le pacte économique et social qui a fait des victimes parmi les travailleurs et les syndicalistes. Le parti de Ali Benflis, Talaie El Houriyet, qualifie cette polémique de manœuvres politiques dont l'objectif est de faire croire à l'opinion publique que le gouvernement actuel est bien déterminé à lutter contre la corruption. «Le régime est en train de sacrifier certaines personnalités parmi ses fidèles, qui ont pourtant joué un rôle important dans son maintien. Tout cela pour préparer l'opinion à la prochaine élection présidentielle de 2019.» Le chargé de communication au FFS, Hassene Ferli, relève l'incapacité du gouvernement à instaurer un dialogue entre ses partenaires sociaux. «Tebboune lance un appel au dialogue alors qu'au sein du gouvernement il y a une rupture du dialogue», ironise Ferli qui n'est pas du tout étonné de l'attitude du patron de l'UGTA, une centrale qui a, selon lui, déserté depuis longtemps le vrai combat syndical. «Sidi Saïd n'a jamais été du côté des travailleurs. Il a toujours soutenu les forces de l'argent. Cette polémique a pour objectif de détourner le débat des questions essentielles qui touchent directement le citoyen», explique le FFS. Le PLJ, pour sa part, n'est nullement surpris par la détérioration publique de la relation entre le gouvernement et le FCE. Le PLJ soutient les premiers pas du gouvernement et l'exhorte à aller de l'avant pour mettre un terme aux pratiques immorales qui ont affaibli l'autorité de l'Etat et entaché sa crédibilité. Enfin le MSP a vivement critiqué Sidi Saïd. «Le patron de l'UGTA n'a pas défendu, durant ses longues années à la tête l'Union générale des travailleurs algériens, les intérêts de la classe ouvrière comme il a défendu, hier, les intérêts du patronat. Cette décision n'est ni politique ni économique.»