Le scandale financier, qui secoue depuis quelques jours, la Grèce semble n'avoir pas encore révélé tous ses secrets. Quelles sont, selon-vous, les causes directes et les circonstances ayant été à l'origine de ce scandale ? Il est vrai que le scandale financier de la Grèce n'a pas encore révélé tous ses secrets, pour la simple raison qu'il n'a été porté par coïncidence sur la place publique que tout récemment. Cet événement a éclaté au grand jour, il y a à peine quelque semaine, en défrayant la chronique, précisément le 14 février dernier, grâce à certains quotidiens comme l'allemand Der Spiegel et l'américain The New York Times, qui ont mis l'accent sur son envergure et ses graves retombées, particulièrement au niveau de la zone euro. Immédiatement cette annonce a été confirmée par les agences de notation, comme Standard & Poor's et Moody's et Fitch Ratings qui, en étant chargées d'apprécier la solvabilité de la Grèce, lui ont attribué des notes sensiblement en baisse, en jugeant qu'elle est éventuellement dans l'incapacité de rembourser ses emprunts accusant un niveau très élevé. Au sujet de la genèse de cette affaire, il convient de signaler que la Grèce manifestait une forte volonté d'adhérer à la zone euro en 2001 et elle devait par conséquent respecter strictement les principes fondateurs de l'euro concernant les déficits publics et la dette sur la base des critères de Maastricht conçus dans une logique de stabilité économique et monétaire. Or, sur ce plan, à cette époque, la Grèce réunissait déjà tous les ingrédients d'une crise économique profonde qui ne lui permettait pas de satisfaire aux critères requis. La preuve en est la suivante : l'économie souterraine est estimée à environ 20% du PIB, le clientélisme ronge la vie publique grecque, la faiblesse manifeste de l'exportation à défaut de l'existence réelle d'un secteur industriel, le déficit structurel du commerce extérieur, les dépenses budgétaires consommées sans limitation, en dépassant largement les capacités du pays, si bien que le déficit s'est élevé à près de 13% du PIB en 2009 et 9,4% du PIB en 2010, à l'évidence bien au-delà de la limite de 3% telle que fixée par le pacte de stabilité au niveau de la zone euro, la dette publique est devenue abyssale, frôlant les 300 milliards d'euros, fin 2009 (113% du PIB) pouvant atteindre 120% du PIB en 2010. Eu égard à cette situation, la Grèce a eu recours à un montage au moyen de manipulation artificielle des statistiques officielles, avec l'aide de la plus grande banque de Wall Street, la Goldman Sachs, en présentant un bilan apparemment flatteur en termes d'optimisation budgétaire et d'affichage des résultats positifs. La zone euro a été également secouée, directement ou indirectement, par l'onde de choc du scandale financier grec, comment analysez-vous les réactions des pays européens et de l'Union européenne en tant qu'entité économique ? Par la force des choses, le secret du scandale financier n'a pu tenir et résister aussi longtemps dans un environnement tel que celui de la crise mondiale, qui a été propice à son éclatement, en produisant ainsi une onde de choc sur l'ensemble de la zone euro au point, dans une certaine mesure, de la déstabiliser potentiellement dans ses fondements. Aussi, la Commission européenne, en prenant acte avec un peu de retard des menaces graves d'instabilité qui pèsent sur la zone euro, ne s'est pas montrée tendre dans sa réaction à l'endroit de la Grèce, allant jusqu'à l'accuser de tromperie et même de commettre le délit d'initié. Elle s'est permise ainsi de la critiquer sans ménagement, lui reprochant carrément le laxisme dont elle a fait preuve, pour avoir délibérément transgressé systématiquement toutes les normes requises en matière de discipline financière, dans le but inavoué, pour le rappeler, de maquiller et de dissimuler en même temps l'ampleur de sa dette malgré le fait qu'elle ait atteint un record par rapport à son PIB, et ce, dans le contexte d'un dysfonctionnement évident en ce qui concerne la gestion de ses affaires. Le message adressé à la Grèce à ce sujet est suffisamment clair, c'est que en étant responsable de la situation difficile dans laquelle elle s'est fait fourvoyer de son propre chef, elle doit dès lors impérativement l'assumer et, en conséquence, se prendre en charge directement pour s'en sortir à son niveau. A la faveur de la déclaration commune adoptée le 12 février à Bruxelles par les leaders européens, on a laissé entrevoir en filigrane que la politique de soutien à la Grèce n'a pas été retenue, puisque la consistance du concours financier à minima n'y est pas du tout chiffrée. La raison en est qu'un sauvetage communautaire sous forme de prêts étant interdit par les traités européens et de plus la BCE ne peut pas accorder de prêts aux Etats se trouvant dans ce cas. Quelles peuvent être les conséquences sur la zone euro et la finance mondiale et est-ce qu'un organisme européen, sous forme d'un FMI régional, pourrait régler à l'avenir ce genre de dérèglement financier en Europe ? La zone euro a vraiment ressenti les conséquences de ce faisceau de faits graves et volontairement discordants de la Grèce, car par la suite, non seulement le discrédit a gagné sur l'ensemble de la gouvernance des statistiques de la zone euro, mais les retombées sont encore d'une autre dimension. D'ailleurs, il s'en est suivi au même moment une tendance à la baisse de la valeur de change de l'euro, ce qui contribue à sa fragilisation renforcée en cela par le recul du baromètre de confiance pour l'ensemble de la zone euro, particulièrement en cette période d'incertitude quant à la reprise mondiale avec des effets néfastes sur l'investissement. Certes, la Grèce est considérée comme le maillon faible de la zone euro, laquelle craint un effet de contagion, parce que ce pays n'est pas le seul à être confronté à une situation financière aussi périlleuse, puisque certains pays de la zone euro sont suspectés d'avoir mis en œuvre le même subterfuge, celui des plans identiques d'écritures comptables nichant, ailleurs discrètement en dehors des structures requises à cet effet, une partie de leur dette publique. C'est ainsi que l'Espagne, le Portugal et l'Italie risquent à leur tour de vivre le scénario grec et d'être menacés d'insolvabilité pour leur gestion calamiteuse des finances publiques. La problématique de la Grèce doit-elle servir d'exemple au cas Algérie ? La situation particulière de la Grèce peut servir en effet d'exemple édifiant à ne pas suivre, y compris pour l'Algérie, tant elle a été génératrice de dégâts avec à la clé, un coût considérable au plan économique et social. Pour ne pas glisser dans les mêmes erreurs en matière de gestion de finances publiques, la gouvernance implique fondamentalement d'avoir comme support la crédibilité des statistiques, en raison de leur enjeu en matière de développement du pays. A l'évidence, la crédibilité requiert le respect des normes minimales qui doivent s'adosser à une autonomie au regard des éventuelles interférences politiques et à l'intégrité responsable des autorités statistiques quant à la production et la diffusion correctes des informations afférentes aux finances publiques. Justement, le problème de la crédibilité des statistiques a été à plusieurs occasions soulevé en Algérie et a même été remis en cause par les organisations internationales, en raison de l'insuffisance du système national de statistiques qui se trouve entaché d'un véritable déficit de transparence et de lisibilité. C'est ainsi que les différents organismes publics, notamment l'Office national des statistiques (ONS), a publié des statistiques qui appellent des réserves quant à leur crédibilité, celles notamment relatives au taux de chômage, à l'inflation ainsi qu'à l'évolution de la croissance économique.