Le Proche-Orient est devenu, depuis peu, une destination prisée par les diplomates, certainement intéressés à améliorer encore davantage le climat actuel que l'on dit favorable au moins pour la relance des contacts palestino-israéliens. Une formule suffisamment révélatrice d'une situation, il est vrai nouvelle, mais qui peut porter en elle les germes de sa propre destruction. C'est ce qui explique sans doute l'objectif restreint assigné au premier sommet palestino-israélien depuis celui de l'an 2000. Depuis cette date, il y a eu beaucoup de changements : l'Intifadha palestinienne, à la suite de la grave provocation d'Ariel Sharon, alors chef de l'opposition israélienne, devenu six mois plus tard, Premier ministre, le changement de président aux Etats-Unis, et il y a trois mois, le décès du président de l'Autorité palestinienne Yasser Arafat. Celui-ci en est à son deuxième mandat de président des Etats-Unis, et qui n'a jamais reçu un dirigeant palestinien, poussant au contraire au départ de Arafat, a plaidé il est vrai pour la création d'un Etat palestinien, mais il a fortement irrité les Palestiniens par ses positions en faveur d'Israël, laissant, selon les médias américains, eux-mêmes, très peu de place à la négociation. Quant à Ariel Sharon, il s'oppose à toute forme de règlement susceptible de comporter des échéances. Feuille de route contre plan de retrait Il en est ainsi de la feuille de route, ce fameux plan de paix international qui prévoyait la création d'un Etat palestinien, cette année. Sharon lui a préféré un sombre plan de retrait de la bande de Ghaza qui allait de toute façon être évacuée en raison des problèmes d'ordre logistique posés à l'armée israélienne. Plus que cela, Sharon s'est lui-même octroyé des compensations territoriales en annexant de nouveaux territoires palestiniens de Cisjordanie. Autant dire alors que la boucle est bouclée et que l'espace des négociations est clos. Ce que les Palestiniens récusent fortement. A leur tête, le nouveau président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas qui a succédé à ce poste à Yasser Arafat décédé le 11 novembre 2004. Celui qu'on appelle également Abou Mazen, sait parfaitement ce qui l'attend pour avoir su faire autour de sa démarche, le consensus auquel ont souscrit les formations palestiniennes jusque-là opposées au processus de paix, et qui recourent à la lutte armée. Il suffit d'un rien pour qu'il soit rompu. Il sait aussi qu'avec Israël rien n'est jamais acquis d'avance, et qu'il faille faire preuve non seulement de prudence, mais aussi de perspicacité. Il l'a déjà démontré dans son rôle d'architecte du processus de paix d'Oslo qu'il avait négocié point par point avec les Israéliens, sans jamais rien négliger et tout en donnant son sens à chaque mot. Le voilà donc aujourd'hui face à Ariel Sharon, sachant que ce dernier a derrière lui un fort consensus contre la paix avec les Palestiniens, et il en est l'un des principaux artisans. Sa campagne électorale de 2001 était basée sur un mot, la sécurité, et jamais la paix. Et son premier acte au soir de son élection était de décréter la mort du processus d'Oslo, rejoint en cela par les travaillistes de Shimon Peres qui ont au demeurant aidé à dévoiler la véritable nature de la classe politique et de l'électorat israélien qui se sont donné pour leader un dirigeant qui a commis les pires crimes, quand il était à la tête de l'armée israélienne. Quel sens alors donner au sommet palestino-israélien qui se tient aujourd'hui dans la ville égyptienne de Charm Cheikh en présence de président Hosni Moubarek, et du souverain jordanien Abdallah II ? La question paraît simple, mais la réponse n'est pas aisée. Rien à négocier, ont fait valoir les Israéliens, alors que pour les Palestiniens qui ne s'attendent pas à des résultats spectaculaires, il est temps de relancer les négociations avec Israël. Prisonniers palestiniens Tout se complique alors, sachant que les semaines qui ont suivi la disparition de Yasser Arafat ont été marquées par une intense campagne politique et diplomatique des Palestiniens, piégeant en quelque sorte les Israéliens qui conditionnaient cette relance à la mise en place d'une nouvelle direction palestinienne, et l'arrêt des attaques anti-israéliennes. Les deux conditions sont aujourd'hui remplies. Ce qui fait dire que les Palestiniens ont rempli leur part du contrat, obligeant les Israéliens à emprunter le même passage, mais pas totalement comme le prouvent l'ordre du jour du sommet d'aujourd'hui vidé du moindre engagement, et la question de la libération des prisonniers palestiniens, dont la liste a été établie unilatéralement par Israël. Les détenus politiques en ont été exclus. C'est pourquoi, pour certains responsables et analystes palestiniens, un tel sommet, il est vrai souhaité par les Palestiniens, survient quelque peu prématurément et aurait nécessité plus de préparation pour laisser justement la balle dans le camp israélien. Avant de rencontrer Sharon, Mahmoud Abbas entendait parvenir d'abord à des « accords essentiels » sur les prisonniers palestiniens, le retrait israélien de la bande de Ghaza, l'allégement du blocus en Cisjordanie et à Ghaza et la question d'un cessez-le-feu entre les différents mouvements palestiniens et Israël. Selon plusieurs responsables palestiniens, M. Abbas voulait pousser M. Sharon à engager des négociations politiques et non une simple discussion sur l'application de ces mesures. La semaine dernière, l'ex-ministre palestinien délégué à la Sécurité Mohammad Dahlane et le ministre de la Défense israélien Shaoul Mofaz étaient parvenus à une entente sur le retrait de l'armée israélienne des principales villes de la Cisjordanie et sur la libération des prisonniers palestiniens, puis les choses se sont de nouveau arrêtées. Le ministre du Travail palestinien, Ghassan Al Khatib a averti que « les choses n'avanceront pas si l'on se borne à prendre des résolutions sécuritaires », jugeant nécessaire que des accords soient conclus « concernant l'arrêt de la colonisation et de la construction » de la barrière de séparation israélienne. Mais « pour Israël, le sommet de Charm El-Cheikh n'est qu'un “acte de sécurité” qui portera sur un cessez-le feu », estime le commentateur politique israélien Aluf Ben. « Sharon prononcera des propos sur son engagement à (appliquer) la feuille de route (...), mais les messages que le sommet émettra tourneront autour de règlements sécuritaires », écrit-il dans le journal Haaretz. On sait ce qu'il pense de ce plan qu'il a tout simplement réécrit. C'est ce qui incite à la plus extrême prudence.