Avec la crise, l'EHU d'Oran, au même titre que les autres hôpitaux publics, a-t-il subi une coupe budgétaire ? Il n'a jamais été question de réduire le budget du secteur de la santé. L'EHU n'a subi aucune réduction du budget. Nous avons les moyens financiers à même d'assurer pleinement nos missions et nos activités. Le chantier d'une réforme hospitalière initié dans le cadre de l'élaboration d'un projet d'une nouvelle loi sanitaire tarde à être concrétisé depuis plusieurs années. Quelles sont vos propositions en la matière ? Ce projet de réforme a été initié dans les années 2000. Il tient compte de beaucoup d'indicateurs. Le levier le plus important à actionner est la ressource humaine. Il est impératif de mener une refonte de la formation initiale de médecine en instaurant, entre autres, un meilleur mode d'évaluation des enseignants. Il y a quelques semaines, le ministère de l'Enseignement supérieur a initié un séminaire pour débattre de la réforme de la formation en médecine pour l'ajuster aux besoins qualitatifs du secteur de la santé. Par ailleurs, il faut passer à un financement des hôpitaux, indexé sur les prestations assurées par ces derniers. Le mode actuel de financement est arrivé à l'essoufflement. Il ne faut plus financer les structures hospitalières, mais leurs activités. L'idée est de mettre en place un moyen de gestion et de contrôle qui permette d'évaluer les activités quantitatives et qualitatives, évaluer leurs managers et leurs praticiens. A l'EHU, nous avons mis en place, en interne, une évaluation de la qualité des prestations des services regroupés en pôles. L'évaluation tient compte de la mortalité, de la morbidité et de bien d'autres indicateurs palpables. Nous avons mis en place une contractualisation des services avec la fixation d'objectifs à atteindre. Justement, quels sont vos objectifs à l'EHU d'Oran ? Le but de la création de l'EHU est de produire des soins et des prestations de haute qualité pour réduire les transferts à l'étranger. L'établissement est à la pointe dans diverses disciplines. 98% des actes de chirurgie générale se font par laparoscopie, c'est-à-dire sans ouvrir le malade. Toutes les lourdes pathologies (cancéreuses et hépatiques…) sont prises en charge. L'EHU est le seul hôpital en Algérie à réaliser la chirurgie de l'obésité et la procréation médicalement assistée (PMA). En chirurgie vasculaire, les endoprothèses aortiques sont réalisées pour réparer la paroi de l'aorte afin de traiter les anévrismes ou une dissection de l'aorte. L'EHU assure également la chirurgie cardiaque lourde, les reconstructions de la cage thoracique, en utilisant l'ostéosynthèse de dernière génération. En hématologie, les autogreffes et les allogreffes de la moelle osseuse sont réalisées avec succès. L'établissement dispose d'une banque de sang des cordons ombilicaux permettant de mener la thérapie cellulaire des leucémies. Et, la série des avancées médicales est longue… Pour une meilleure gouvernance, les hôpitaux algériens sont-ils appelés à être davantage autonomes ? Pour cela, faut-il renforcer la responsabilité des directeurs d'hôpitaux et consacrer, par exemple, le principe selon lequel une partie de la rémunération de ces derniers doit être tributaire des résultats ? De par la spécificité de son statut, l'EHU a déjà une certaine souplesse dans la gestion. Cela étant dit, il est clair qu'il faut revoir globalement le système de gestion actuel. La centralisation des pouvoirs de décision limite l'action des managers des hôpitaux. Il faut renforcer le pouvoir de décision des chefs d'établissement, qui produisent les soins. Il faut absolument aller vers la décentralisation. Il faut, par exemple, une évaluation chiffrée des gestionnaires, basée sur des critères palpables. La politique salariale est aussi un élément important pour inciter à la qualité des prestations. En matière de rémunération, une convention collective a été mise en place avec le partenaire social. Elle a été validée par le conseil d'administration, mais elle ne peut être effective que si l'établissement dispose de ses fonds propres. Or, ce n'est pas le cas aujourd'hui. Il faudra arriver à la contractualisation pour que l'établissement puisse fonctionner sur ses fonds propres. L'EHU en a les moyens car il assure, par exemple, des interventions qui permettent la réduction des transferts à l'étranger. Un exemple: l'hôpital dépense 4 millions de dinars pour assurer une greffe de la moelle osseuse qui coûte à l'étranger l'équivalent de pas moins de 80 millions de dinars (400 000 euros). C'est autant de ressources non négligeables pour l'hôpital. Encore faudrait-il que la CNAS et l'Etat payent. Nous sommes sur la bonne voie, puisque l'EHU a été choisi comme établissement pilote pour amorcer une première contractualisation avec la CNAS, qui devrait être effective cette année. Une ébauche est amorcée. La mise en place d'une tarification est en cours pour pouvoir facturer les prestations au ministère de la Santé et à la CNAS. Nous avons déjà mis en place un centre de calcul pour la facturation des prestations. Le dossier avance. Nous allons nous mettre autour d'une table dans les prochains jours pour discuter et faire avancer les choses.
Les urgences implantées dans une même ville doivent-elles être unifiées avec l'instauration d'une gestion des lits informatisée et des permanences de soins régulés par un numéro de téléphone unique ? Effectivement. J'ai déjà émis une telle proposition lors d'un séminaire sur la nouvelle gouvernance du système de santé. L'idée consiste à créer, notamment dans les grandes métropoles à l'image d'Alger, Oran, Constantine, etc., des agences d'hospitalisation qui recensent quotidiennement, à travers un fichier, les équipements des établissements de soins pour orienter le patient dans un hôpital qui dispose de moyens adéquats. Tout cela permet d'améliorer le parcours du malade. A l'EHU, nous avons réorganisé les urgences grâce à un système d'orientation des patients à travers des fichiers. Nous avons aussi mis en place un SMUR (Service mobile d'urgence et de réanimation, NDLR) qui prend en charge le patient depuis son domicile. Cette réorganisation a permis une réduction du temps d'attente au sein du service des urgences, qui est actuellement de 17 minutes en moyenne. Certains médecins souhaitent exercer à la fois au sein de l'hôpital public et dans le secteur privé. Qu'en pensez-vous ? Le ministère de la Santé a tranché cette question : les praticiens doivent choisir entre le public et le privé. Pas les deux à la fois. Le bureau Ubifrance Algérie et l'Agence nationale algérienne de gestion des réalisations et d'équipement des établissements de santé (AREES) ont organisé, en 2014, un colloque sur la construction et la gestion hospitalière. Y a-t-il des contrats qui ont été conclus ? Nous avons signé une convention avec l'Assistance publique -Hôpitaux de Paris (AP-HP) pour améliorer la gestion des ressources humaines. Nous avons aussi signé une convention avec l'université allemande de Heidelberg pour la certification en matière de normes de qualité et de sécurité. Une certification qui exige la satisfaction de 400 paramètres internes à notre établissement.