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Les séparatistes catalans défient Madrid
Publié dans El Watan le 30 - 09 - 2017

La question qui devrait être posée aux électeurs est : «Voulez-vous que la Catalogne soit un Etat indépendant sous la forme d'une République ?»
Le mercredi 6 septembre dernier, après une session parlementaire agitée, la majorité, composée des groupes Ensemble pour le oui et Candidature d'unité populaire (CUP), fait approuver la loi, par 72 élus sur 135, sur la tenue du référendum et fait sauter des verrous qui auraient rendu l'adoption du texte longue et difficile.
Le scrutin est suspendu par la Cour constitutionnelle espagnole dès le lendemain, jeudi 7 septembre. Le président de la Généralité de Catalogne, Carles Puigdemont, se montre déterminé à l'organiser en dépit de son interdiction et l'opposition du gouvernement central de Mariano Rajoy. Le gouvernement espagnol juge que le référendum est illégal, car il va à l'encontre de la Constitution de 1978. Ainsi, le parquet du Tribunal supérieur de justice de Catalogne ordonne à la Garde civile, aux Mossos d'Esquadra (police catalane), au Corps national de police d'Espagne et aux différentes polices municipales de saisir le matériel électoral afin d'empêcher la tenue du scrutin.
Après l'arrestation de 14 membres du gouvernement catalan, le 20 septembre, dans le cadre de l'opération Anubis, près de 10 000 manifestants sont descendus dans les rues de Barcelone, exhibant leur drapeau à rayures rouge et or, entonnant l'hymne national catalan, Els Segadors, (Les moissonneurs), et la chanson anti-franquiste, L'Estaca, (Le pieu), pour dénoncer «une violation de leur droit». Selon un récent sondage, 49,4% sont contre la sécession, et 41,06% veulent se séparer de l'Espagne. Mais une large majorité, plus de 70% des Catalans, souhaitent ce référendum.
Durant ce mois de septembre, les institutions espagnoles, qui multiplient arrestations et saisies en Catalogne, épargnent pour l'heure les chefs séparatistes. Le parquet a requis des poursuites contre M. Puigdemont et chaque membre de son gouvernement, les accusant de désobéissance, de prévarication et de malversation de fonds publics, ce dernier délit entraînant des peines allant jusqu'à huit ans de prison.
Une ancienne histoire
La crise opposant les autorités de Catalogne et le pouvoir central d'Espagne autour d'un projet de référendum d'autodétermination, interdit par Madrid, est le dernier épisode d'une histoire ancienne et parfois amère.
Les indépendantistes, au pouvoir dans cette riche région du nord-est de l'Espagne, se comparent ainsi fréquemment à la République espagnole (1931-1939) écrasée par le général Francisco Franco après trois ans de guerre civile. Les troupes de Franco n'avaient pris la Catalogne que dans les derniers mois de la guerre, en 1939, déclenchant un exil massif vers la France, voisine de ce bastion ouvrier et révolutionnaire. La première chose que fait Franco en Catalogne, il supprime la Generalitat, le gouvernement régional autonome, avant de durement réprimer l'usage du catalan.
C'est aussi sous la République, pour s'opposer à la droite qui gouverne à Madrid, que le président de la Generalitat, Lluis Companys, proclame en 1934 un éphémère «Etat catalan de la République fédérale espagnole». Faute de soutiens, il résiste «six ou sept heures, et il sort arrêté les mains en l'air». Mais l'histoire catalane est marquée par des symboles remontant à bien plus loin : la Diada, «fête nationale» catalane marquée depuis 2012 par de grandes manifestations indépendantistes, commémore la chute de Barcelone en 1714 aux mains des troupes du roi d'Espagne, Philippe V de Bourbon, petit-fils du Français Louis XIV. Après cette bataille, la Catalogne, qui avait jusqu'ici des institutions et des lois propres au sein du royaume, est «soumise aux lois de la Castille».
L'indépendantisme actuel s'alimente de ce qu'il s'est passé ces sept ou huit dernières années. Les Catalans ont très mal vécu l'annulation, en 2010 par la Cour constitutionnelle de Madrid, d'une partie-clé du texte qui leur conférait une autonomie élargie et le statut de «nation», puis le dialogue de sourds avec Madrid qui a suivi.
12 000 agents des forces de l'ordre déployés pour le référendum
Le ministère espagnol de l'Intérieur a affrété trois ferries pour loger les renforts policiers qu'il enverra en Catalogne avant le référendum d'autodétermination interdit de demain. Trois bateaux sont arrivés et resteront dans les ports de Barcelone et de Tarragone, les policiers et gardes civils y seront logés. Deux de ces bateaux mouillent au port de Barcelone, un autre à Tarragone, à 100 kilomètres au sud de la capitale de la région. Il est prévu qu'ils restent en Catalogne au moins jusqu'au 3 octobre, a indiqué un porte-parole du port de Barcelone. Les trois ferries peuvent accueillir au total 6600 passagers.
Le parquet de Catalogne a ordonné, mardi dernier, à tous les corps de police de cette région espagnole d'empêcher le référendum, et s'adressant à toutes les unités de police, la Garde civile, la police nationale et les Mossos d'Esquadra, dépendant du gouvernement catalan, il leur ordonne d'agir contre les autorités, fonctionnaires ou particuliers «afin d'éviter la commission de délits».
Parmi ces mesures, le parquet évoque la saisie des «urnes, enveloppes électorales, manuels d'instruction pour les assesseurs des bureaux de vote, formulaires électoraux, propagande électorale, éléments informatiques, ainsi que tout autre matériel de diffusion, de promotion ou d'exécution du référendum illégal».
Cela met notamment les Mossos d'Esquadra dans une situation compliquée, puisque le parquet leur ordonne d'agir contre le gouvernement régional dont ils dépendent directement. «Les Mossos sont là pour servir tous les citoyens, pas quelques-uns», a déclaré le ministre espagnol de la Justice, Rafael Catala, à la télévision publique.
L'argent de la Catalogne mis sous tutelle
Le pouvoir central pense empêcher les autorités indépendantistes de Barcelone de consacrer de l'argent à l'organisation du référendum prévu pour demain, et bloquer ainsi la fourniture d'urnes, les travaux d'imprimerie, la location de locaux, la publicité institutionnelle…
Le bras de fer entre la capitale espagnole et Barcelone touche désormais le nerf de la guerre : les finances. La Catalogne une des 17 régions autonomes de la péninsule a été mis sous tutelle sous l'égide du ministère de l'Economie.
Concrètement, cela veut dire que les autorités séparatistes à Barcelone ne peuvent plus disposer des quelque 1,4 milliard d'euros qu'elles collectent au titre de divers impôts. Mariano Rajoy estime que ce blocage est le seul moyen de s'assurer que les indépendantistes conduits par Carles Puigdemont ne consacrent pas un seul euro de leurs ressources financières à l'organisation de la consultation.
Déjà, la Garde civile aurait mis la main sur 1,5 million d'affiches, de tracts ou de dépliants liés au référendum de la discorde. La Catalogne, qui est considérée comme l'une des locomotives de l'économie espagnole (19% du PIB national), connaît une situation financière catastrophique. Avec une dette totale de 51 milliards d'euros contractée auprès de l'Etat espagnol et un déficit budgétaire de près de 2 milliards d'euros, la Catalogne est au bord de la banqueroute.
Indices
La Catalogne est une communauté autonome et une région historique d'Espagne, régie par un statut d'autonomie.
Depuis le 19 juin 2006, elle est définie comme «réalité nationale» par son statut d'autonomie, mais le préambule de cette loi définit la Catalogne comme nation. Elle est située dans le nord-est de la péninsule ibérique. Sa capitale et métropole est la ville de Barcelone.
Elle est entourée par la Communauté valencienne au sud, l'Aragon à l'ouest, la France au nord, l'Andorre au nord-ouest, et la mer Méditerranée à l'est.
Sa superficie est de 31 950 km2 (6% de la superficie de l'Espagne).
Ses langues officielles sont : le catalan, et l'espagnol ou castillan.
En 2015 : elle compte 7 508 106 habitants (17% de la population espagnole), 2e communauté d'Espagne après l'Andalousie.
10e subdivision territoriale de premier niveau administratif d'Europe en termes de population.
La communauté autonome de Catalogne actuelle est divisée en 42 comarques et quatre provinces : Barcelone,Gérone, Lérida et Tarragone.


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