Ce projet à la pointe de la technologie a été mené par un noyau de chercheurs du Centre de recherche en biotechnologie, implanté à Constantine (CRBT), des chercheurs algériens travaillant aux Etats-Unis en collaboration avec des chercheurs américains ayant participé au projet emblématique du séquençage du génome humain, finalisé il y a douze ans, le 14 avril 2013. Pour le Dr Ammar Azioune, à la tête du CRBT depuis une année, c'est par le biais de son prédécesseur qu'il a appris que ce dossier est remis dans le tiroir : «J'ai eu des entretiens avec walid Dridi, (l'un des instigateurs du projet, ndlr) avant d'apprendre que le projet est gelé. D'ailleurs, c'est l'ancienne directrice du centre qui m'en a informé». Pour notre interlocuteur, ce projet n'est pas seulement une affaire de séquençage : «Il ne suffit pas de parler du séquençage du génome, il s'agit de notre patrimoine génétique, et il faut savoir que 80% de ce projet se fait à l'étranger, particulièrement par des Américains. Nous sommes plus dans une posture d'observateurs que d'acteurs. Nous ne disposons pas de critiques pour réaliser ce genre de projet, car il ne s'agit pas de collecter les échantillons ou aller signer un contrat». Le projet du séquençage du génome algérien : Algerian genome Sequencing project (AGSP) est réalisé sur la base d'un échantillon représentatif de la population algérienne globale. «Il s'agit bien de la version algérienne du projet de séquençage du génome humain», nous a declaré, le Dr Walid Dridi, lors de la présentation dudit projet. Le génome étant l'ensemble du matériel génétique d'un individu ou d'une espèce codée dans son acide désoxyribonucléique, plus communément appelé ADN. A l'issue, il était prévu la programmation de deux grands axes, le premier consacré au séquençage des génomes d'algériens, en bonne santé, sur un échantillon représentatif de l'ensemble du territoire national. Le second, des échantillons de ceux qui sont malades. «5000 échantillons de sujets sains, représentatifs des différentes régions du pays, seront prélevés pour concevoir une carte génétique de l'Algérien», est-il encore précisé. Une fois que le génome algérien des personnes en bonne santé est séquencé, il deviendra une référence génétique pour la population. Chaque génome avec un phénotype de la maladie concernée pourrait alors être comparé à cette référence de base pour caractériser et identifier les mutations liées à la maladie. Plusieurs autres maladies génétiques pourront également bénéficier de ces données pour une «médecine personnalisée». Quelles alternatives ? Si la connaissance du génome algérien permettra à l'Algérie d'être un partenaire fiable au sein de quelques organisations d'importance en matière de génomique ainsi que de lui valoir une reconnaissance au niveau international, il n'en demeure pas moins que l'objectif suprême est «celui de la résolution, à moyen terme, des problèmes de santé grâce à ce projet intersectoriel dont les retombées scientifiques se profilent comme une ressource d'informations détaillées sur la structure, l'organisation et le fonctionnement de l'ensemble des gènes de notre population», ont expliqué les scientifiques. Car l'AGSP s'inscrit dans le cadre de la vision stratégique de l'Etat en matière de santé publique, notamment celle du «Plan cancer 2015-2019». Le projet apportera une contribution à la réalisation de 4 des 8 axes formant le «Plan cancer», à savoir l'amélioration du dépistage, l'amélioration du diagnostic, la redynamisation du traitement et le renforcement des capacités de financement de la prise en charge. Au regard de ce qui a été soutenu, son gel ne s'inscrit-t-il pas en porte-à-faux avec les objectifs tracés ? Qui a ordonné son gel et pourquoi ? Le directeur du CRBT n'a pas de nom ou d'entité à nous dévoiler. Il ne dispose pas non plus de documents signifiant le gel de ce projet. Il laissera entendre toutefois que selon les informations communiquées par les responsables du dossier qui l'ont précédé, le projet est perçu comme très sensible. Et à lui de nous expliquer qu'avec les techniques de l'ingénierie génétique, il est possible de modifier le gène à la base, ce qui est appelé la chirurgie moléculaire dans le jargon des chercheurs. Il existe donc beaucoup d'appréhensions, voire de réserves sur le séquençage du génome algérien par des compétences étrangères qui pourront en disposer à leur guise, d'autant que l'éthique n'est toujours pas un rempart devant les ambitions scientifiques de chercheurs ou de pays. «Nous devrions le faire, mais une fois les compétences idoines requises. Nous avons créé une école de bioinformatique en collaboration avec l'université Constantine 2 et le Centre de recherche sur l'information scientifique et technique (CERIST). Nous formons actuellement des bioinformaticiens et ce sont eux qui reprendront le projet en question», conclura le Dr Azioune.