L'armée irakienne a repris, hier, sans pratiquement combattre, le contrôle du siège du gouvernorat de Kirkouk qui était sous le contrôle des forces kurdes depuis 2014. En marchant vers cette ville, l'objectif de l'armée irakienne était surtout de mettre la main sur les champs pétroliers, les bases et les aéroports militaires de la région. Ce qui fut très vite fait. Avec cette avancée fulgurante, les forces irakiennes ont pour ainsi dire effacé l'humiliation subie en juin 2014, lorsque les peshmergas avaient pris la base et obligé les soldats irakiens à rendre armes et uniformes sous les quolibets. Riche en hydrocarbures, la province de Kirkouk est depuis longtemps au cœur d'un contentieux entre Baghdad et Erbil, exacerbé par le référendum kurde. Les combattants kurdes contrôlaient jusqu'alors les six champs pétroliers de la région de Kirkouk, qui fournissent 340 000 des 550 000 barils par jour (b/j) qu'exporte en moyenne le Kurdistan irakien, en dépit du refus de Baghdad. Les Kurdes géraient directement trois de ces champs pétroliers, qui produisent 250 000 b/j. Les trois autres — dont Baba Gargar — étaient gérés officiellement par la North Oil compagny (NOC), institution irakienne publique en charge du pétrole, mais les recettes revenaient aux Kurdes. Après l'expiration de l'ultimatum fixé par Baghdad, l'armée irakienne avait déjà repris dimanche soir plusieurs zones et infrastructures de Kirkouk dont les Kurdes s'étaient emparés. A l'exception d'échanges de tirs d'artillerie dans la nuit, la progression des forces irakiennes a dans l'ensemble été facilitée par le retrait des peshmergas de l'Union patriotique du Kurdistan (UPK) de leurs positions au sud de Kirkouk. L'UPK est le rival du Parti démocratique du Kurdistan (PDK), du président du Kurdistan irakien Massoud Barzani, qui a organisé le référendum sur l'indépendance du Kurdistan. Un responsable kurde de la Santé a toutefois fait état d'un bilan de 10 peshmergas tués. Cette offensive a d'ailleurs fait éclater au grand jour les divisions qui opposent le PDK et l'UPK, qui préférait engager des négociations avec Baghdad sous l'égide de l'ONU. Le sud de la province de Kirkouk est tenu par des peshmergas affiliés à l'UPK tandis que le PDK contrôle le nord et l'est de cette province qui dépend de Baghdad mais que le Kurdistan revendique. Conseiller du président Barzani, Hemin Hawrami a dénoncé sur Twitter des «problèmes internes et des accords ambigus», qui ont mené «des commandants à ordonner à leurs peshmergas de quitter leurs positions». A ce propos, l'on rappelle que durant la nuit de dimanche à lundi, le Premier ministre irakien, Haider Al Abadi, commandant en chef des forces armées, avait appelé ses troupes à agir «en coordination avec les habitants et les peshmergas». Il a fait valoir que le référendum kurde du 25 septembre, contraire à la Constitution selon Baghdad, avait créé un «risque de partition» de l'Irak. Son «devoir constitutionnel», a-t-il ajouté, est «d'imposer la sécurité et l'autorité fédérale» à Kirkouk. Cela confirme bien qu'il y avait un deal entre l'UPK et Baghdad. Autrement, la reprise de Kirkouk se serait faite dans le sang.