Le manège désenchanté de la capitale fonctionne ainsi : Diar Echems se met en colère, jette des pierres et brûle des pneus. Quelque temps plus tard, ses habitants sont relogés. Entre-temps, Zaâtcha s'énerve, jette des pierres et brûle des pneus. On annonce que ses habitants seront relogés. Entre-temps, Remli-Oued Smar s'enflamme, pierres et pneus, parce que ses habitants ne seront pas relogés, ce n'était pas prévu. Sauf que maintenant qu'ils se sont énervés, ils vont être inclus dans un plan de relogement où personne n'avait pensé à les mettre malgré leur statut honteux d'habitants du plus grand bidonville d'Alger. Un bon gouvernement pourrait, avec toutes ces pierres jetées, construire plus d'immeubles en les assemblant, dans l'ordre. Un bon gouvernement pourrait aussi, avec tous ces pneus brûlés, monter une usine de baskets pour chausser ces jeunes qui ne savent pas marcher pacifiquement. Mais à qui sont destinés ces trois millions de logements chinois annoncés pour les Algériens ? Entre les affairistes du logement social bien introduits dans les structures de l'Etat, les amis, les maîtresses, les généraux, les enfants de ministres, les cousins de walis et les tantes de chefs de cabinet, il n'y a plus beaucoup de logements pour les autres. C'est pour cette raison que le gouvernement a lancé cette plate-forme de dialogue : si l'on ne s'énerve pas, on reste dans son bidonville. Si l'on s'énerve raisonnablement, on peut être éventuellement relogé, si l'on sait se placer sur une liste d'attribution. Si l'on s'énerve trop, on est relogé mais en prison. Sauf qu'il y a aussi un problème, même en prison il n'y a plus de place. Si chaque ministre a déjà un quota de cellules de prison à sa disposition, tant les émeutes touchent tous les secteurs, le gouvernement devrait fusionner les deux secteurs et créer le poste de ministre du logement et des établissements pénitentiaires.