Au plan sanitaire, tous les indicateurs sont au rouge au Yémen, pays ravagé par la guerre depuis 2015. Le nombre total de cas suspects de choléra y a franchi vendredi la barre du million de personnes. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a annoncé dans un communiqué avoir enregistré 1 001 428 cas présumés de choléra et 2227 décès liés à l'épidémie. Vingt et un des 22 gouvernorats que compte le pays ont été touchés par l'épidémie, alors que seulement la moitié des établissements de santé du Yémen sont en état de fonctionnement, a déclaré le porte-parole de l'Organisation, Tarik Jasarevic, lors d'un point de presse à Genève. La moyenne hebdomadaire des cas de choléra a considérablement diminué au cours des trois derniers mois, a dit M. Jasarevic, mais l'épidémie n'est pas encore terminée. L'OMS souligne que davantage d'efforts concertés doivent être déployés pour maîtriser la propagation du choléra à court terme et empêcher sa résurgence dans un avenir proche. Le choléra n'est pas la seule menace sanitaire pour le Yémen. Le pays est également confronté à une épidémie de diphtérie qui s'est rapidement propagée dans 18 des 22 gouvernorats depuis fin octobre. «Plus de 333 cas cliniquement diagnostiqués ont été signalés, principalement dans les gouvernorats d'Ibb et de Hodeïda», a précisé le porte-parole de l'Organisation. La récente recrudescence des affrontements entre les rebelles houthis et les forces pro-gouvernementales soutenues par la coalition arabe dirigée par Riyad a empêché les employés de l'OMS de se rendre dans les gouvernorats affectés. Dans un pays en conflit depuis deux ans et demi, les services vitaux se sont effondrés et environ 75% de la population ont besoin d'aide humanitaire. Le conflit a fait plus de 8750 morts (parmi lesquels de nombreux civils) et provoqué la pire crise humanitaire de la planète. Famine, maladies et blocus La famine menace plus de huit millions de personnes. Selon toujours l'ONU, 14 millions de personnes souffrent d'insécurité alimentaire, dont sept millions d'insécurité alimentaire sévère. Dans certains gouvernorats, 70% de la population luttent pour se nourrir. Les enfants sont particulièrement touchés. En tout, c'est plus de 17 millions de personnes qui sont en situation d'insécurité alimentaire, soit 60% de la population yéménite. «Quelque 462 000 enfants de moins de cinq ans sont en danger de mort immédiat, car ils souffrent de la forme la plus grave de malnutrition. Ils étaient 170 000 en 2014, ce qui représente une augmentation de plus de 200% !» souligne Serge Breysse, directeur expertise et plaidoyer d'Action contre la faim. L'ONU a exhorté récemment les parties en conflit de permettre l'accès de l'aide humanitaire. La résolution 2216 des Nations unies d'avril 2015, qui a notamment instauré un embargo sur les armes à destination des Houthis et de leurs alliés, s'est transformée de facto en un blocus aérien et maritime empêchant la quasi-totalité des importations de produits de première nécessité, dont la nourriture. Les restrictions aux importations de blé sont aujourd'hui l'un des problèmes majeurs du pays et la principale menace à la sécurité alimentaire, alors que le Yémen importait environ 90% de ses aliments avant le conflit. Les situations de famine risquent de se multiplier à travers le pays, surtout que le conflit a récemment pris un nouveau tournant après l'assassinat de l'ancien président, Ali Abdallah Saleh, tué quelques jours après la rupture de son alliance avec le groupe armé Ansa Allah. Cette rupture a déjà entraîné des affrontements meurtriers dans la capitale Sanaa entre les groupes armés d'Ansa Allah et les partisans de Saleh qui étaient jusque-là alliés contre les forces gouvernementales. Ali Abdallah Saleh s'était déclaré, juste avant sa mort, ouvert à des discussions avec l'Arabie Saoudite. Les Houthis avaient qualifié cette offre de «coup de force» et de «grande trahison». Cette nouvelle donne a pour effet de compliquer une situation déjà des plus amphigouriques. Les Yéménites attendaient certainement un tout autre cadeau de fin d'année.