Les deux gros dossiers (Sonatrach et l'autoroute Est-Ouest) de corruption et de malversations, actuellement en instruction au tribunal d'Alger, continuent de susciter les interrogations des uns et des autres. Les deux juges du pôle judiciaire spécialisé, en charge de l'instruction, poursuivent leur instruction, que certains qualifient de « très lente » et d'autres de « trop rapide ». Des sources judiciaires récusent, néanmoins, les deux avis en affirmant que « que les auditions ne se sont jamais arrêtées. Elles se poursuivent pour les deux affaires. Elles ne sont ni lentes ni rapides, mais tiennent compte de la complexité et de l'apparition de nouveaux éléments sur d'autres griefs ». Ainsi, selon nos interlocuteurs, le dossier Sonatrach a connu quelques avancées ces derniers jours avec l'audition, toujours en cours, des membres de la commission d'évaluation technique, notamment sur la procédure interne (la R15), qui régule les passations de marchés au sein du groupe. Visiblement, l'enquête ne se limitera pas uniquement aux contrats avec Saipem, et le groupe algéro-allemand Contel, puisque l'ensemble des membres de cette commission sont appelés à être entendus en tant que témoins, devant le juge, sur toutes les procédures de passations de marchés sur plusieurs années. A signaler que le magistrat a déjà entendu, une première fois, la directrice du service audit au niveau de la compagnie et engagé, depuis quelques jours, la procédure de confiscation des biens des prévenus. Pour ce qui est du dossier de l'autoroute Est-Ouest, nos sources estiment, par contre, qu'il risque de connaître une tournure assez importante les semaines à venir. Mis sous mandat de dépôt, il y a plus de deux semaines, l'ex-directeur des nouveaux projets à l'Ana, Mohamed Khelladi, aurait fait, lors de son audition récente, dans le fond, des révélations très graves sur les malversations dans les marchés de réalisation des tronçons d'autoroute, notamment à l'est du pays, donnés au groupe japonais Kojal, mais aussi sur la sous-traitance dont ont bénéficié de nombreuses sociétés, choisies dans le giron du MSP, mais également à des enfants de certains hauts responsables (militaires et civils) du pays. En attendant les confrontations, il est important de souligner que l'audition de Khelladi, dans le fond, a permis de lever une partie du voile qui couvre le gros dossier des travaux supplémentaires ayant coûté à l'Etat 7 milliards de dollars. Une facture excessivement salée que Khelladi a expliquée par l'absence de contrôle lié au respect des délais de réalisation et donc aux surcoûts, mais également à la surfacturation. Les révélations de Khelladi ont au moins le mérite de donner un éclairage sur le japonais Kojal, présenté comme une coquille vide, ne possédant ni moyens humains ni matériel et qui recourt dans la majorité des cas à des sous-traitants non qualifiés, avec tous les risques de malfaçon que ces actes ont induit. A signaler que la plainte déposée contre Khelladi, par l'actuel directeur général de l'Ana, porte notamment sur des malversations, notamment avec la société chinoise, Citic, au centre de ce scandale. De nombreux chefs d'inculpation ont été retenus contre lui, entre autres, corruption, malversations, dilapidation des deniers publics. A signaler que le juge d'instruction a engagé la procédure de la confiscation de ses biens, une villa louée aux Chinois. Lutte d'intérêts Pour ceux qui suivent de près cette affaire, le sort de Khelladi a été scellé par son ministre Amar Ghoul, dès le moment où il a décidé d'enquêter pour le compte « des services » sur les marchés de réalisation de l'autoroute octroyés aux Chinois. N'ayant pas pris en compte les offres alléchantes de Ghoul (en contrepartie de son silence) transformées après des mises en garde, il a fini par être « embarqué » dans l'affaire, lui qui se sentait protégé par son statut de dénonciateur. L'ancien colonel de la Marine nationale a, en fait, fait les frais d'une lutte d'intérêts entre deux grands pôles d'intérêts qui se disputaient les lourdes commissions dans l'octroi des marchés de l'autoroute Est-Ouest, dont le kilomètre est le plus cher au monde. Les révélations de Khelladi risquent de donner une nouvelle tournure au dossier à travers l'audition de nombreux autres responsables au sein du ministère des Travaux publics, mais aussi le ministre, que les avocats de Mohamed Bouchama, secrétaire général, ont déjà réclamé. Une demande légitime, lorsque l'on sait que Bouchama a été mis en détention préventive sur la base de propos accusateurs de Khelladi, qui lui-même est aujourd'hui poursuivi. En tout état de cause, il est important de préciser que si dans le dossier Sonatrach, la partie civile est déjà constituée pour défendre les intérêts du groupe, dans celui des travaux publics, à ce jour, rien n'a été fait. Ni l'Ana, dont le premier responsable a déposé plainte contre Khelladi, ni le ministère des Travaux publics n'ont jugé nécessaire de préserver les intérêts de l'Etat. En attendant le début des confrontations dans les deux affaires, des rebondissements sont à attendre…