Contrefaçon. Un mot qui revient comme un leitmotiv chez des consommateurs en quête de différents produits qu'ils jugent indispensables pour vivoter. Parmi ces nécessités, les pièces de rechange automobiles. D'autant que de nos jours, un véhicule en Algérie n'est pas un luxe, c'est une nécessité. Cependant, ce mildiou mécanique est-il aujourd'hui un épiphénomène, un phénomène ou un fait ? Une virée chez des mécaniciens à Alger met en lumière l'ampleur du problème, devenu aussi ordinaire que l'oxygène qu'on respire, à les entendre parler. Ainsi, pour Ahmed, mécanicien à Alger, la plupart des pièces détachées qu'il a maniées jusque-là sont contrefaites. Pour les pièces d'origine, explique-t-il, « ce sont des amis qui me les ramènent de l'étranger. Prenons une bougie, si elle est d'origine, elle peut me coûter 1100 DA, cela dépend du type et de la marque du véhicule. La même pièce de fabrication imitée est cédée à 800 DA. Le vendeur assure de surcroît qu'elle est d'origine alors qu'elle est contrefaite. Je vis cela. Cela m'arrive aussi de trouver des pièces de ce genre dans des véhicules en panne d'une partie de mes clients ». Cela dit, poursuit le même interlocuteur, « il y a des pièces d'électricité auto dont je peux reconnaître si elles sont d'origine ou non, à l'exemple du démarreur ou du régulateur. Je les essaie, et si elles ne fonctionnent pas, cela veut dire qu'elles sont fabriquées par des faussaires. Cependant, les commerçants qui vendent les pièces refusent de rembourser le client ou de changer la pièce. D'ailleurs, ils avertissent le client à l'avance : toute pièce vendue ne sera pas remboursée ni changée. De ce fait, s'approvisionner en pièces détachées relève d'un coup de poker. Si la marchandise qu'on achète s'avère défectueuse, on perd de l'argent ». Farid, lui, observe que les pièces d'origine sont « disponibles auprès des agents agréés. Je me les procure aussi auprès d'amis qui voyagent à l'étranger. Il arrive que j'achète des pièces avec références sur le marché local, mais une fois mises à l'essai, elles ne fonctionnent pas ou deviennent hors d'usage une semaine après leur utilisation. La solution, pour moi et pour beaucoup de mécaniciens, est de recourir à la casse importée pour la plupart de France. Il y a des pièces dont je devine l'originalité ou la défectuosité digne d'imitateurs à travers la matière utilisée pour sa fabrication et la finition, notamment les pièces électricité auto. Elles sont cédées sans garantie. Alors, quand je reçois un client, je détecte la panne de son véhicule et lui indique la pièce qu'il faut acheter pour assurer la réparation. Ainsi, une fois la pièce de rechange montée, si le véhicule ne roule pas, je n'en suis pas responsable. J'ai fait mon travail comme il se doit. S'approvisionner aujourd'hui en pièces détachées demande de la chance quant à ne pas se faire arnaquer ». Réparateur en électricité auto, Madjid constate que les défauts des pièces sont moins difficiles à détecter que les mécaniques et sont les plus touchées par les pratiques de contrefaçon. En plus, « elles sont les plus demandées sur le marché ». La majorité de ces produits « provient de la Chine et de la Turquie. Il est difficile de distinguer la pièce d'origine de celle imitée. Un des indices consiste en la qualité de la matière et les références. Comme on peut reconnaître le produit imité en relevant des fautes d'orthographe sur l'étiquetage, les dimensions et la conception de ses composants. Nous misons sur notre expérience pour éviter l'arnaque, mais c'est insuffisant. Il y a même des agents agréés qui nous vendent des pièces sans garantie ». De l'amiante pour fabriquer des pièces de rechange Quelles sont les conséquences quant à l'utilisation de ces produits imités ? « J'ai eu des problèmes avec des clients. Ils se présentent dans mon garage pour des réclamations quand leurs véhicules retombent en panne quelques jours après avoir été réparés », indique Madjid. « Ils refusent même de me payer, croyant que je n'ai pas fait correctement mon travail, sachant que c'est moi qui ai acheté les pièces nécessaires pour effectuer les réparations. Afin d'éviter ces désagréments, je n'achète plus de pièces d'autant que le commerçant refuse de rembourser ou de changer aux clients les produits cédés. Je me contente de recommander à mes clients d'acheter eux-mêmes les pièces qu'il faut pour réparer leurs véhicules. De ce fait, si la voiture ne fonctionne pas, je ne suis pas responsable. Ainsi, je n'aurai pas travaillé à perte », ajoute-t-il. Néanmoins, fait-il remarquer, « j'enregistre moins de réclamations ces derniers temps, car les clients sont devenus compréhensifs et savent que le marché de la pièce détachée et électricité auto est un marché de dupes, où tous les coups sont permis ». Il cite, entre autres exemples, le cas des batteries. « Le prix varie entre 4000 et 7000 DA l'unité avec une garantie de 6 mois chez des agents agréés. Une fois ce délai expiré, la batterie s'épuise, on dirait que c'est calculé. Il faut alors en acheter une autre. Si le client a de la chance, la durée d'usage de la batterie acquise dure entre 4 et 6 mois. Or, une batterie fabriquée dans les normes ou d'origine peut tenir entre 3 et 4 ans. Il y a des batteries contrefaites et sur leurs étiquettes, il est mentionné qu'elles sont fabriquées en Italie, en France ou en Allemagne, ce qui est faux. Elles sont produites hors normes et par des mains faussaires. On peut trouver aussi sur l'étiquetage des batteries des marques de véhicules, ce qui relève de l'arnaque. Toutes ces pratiques sont entretenues pour tromper le client sur la qualité de la marchandise. » Fathi, de son côté, indique être habitué à ce genre de pratiques. Des pratiques qui se répercutent, à ses dires, sur ses relations avec les clients. « Je place de nouvelles plaquettes de frein, ou une courroie, entre autres et une à deux semaines après, les propriétaires des véhicules réparés reviennent me voir pour me signifier que les pièces en question sont hors d'usage. Pourtant, ce sont eux qui les ont achetées. Ils croient que je n'ai pas monté ces pièces comme il se doit. Les réclamations portent dans leur majorité sur les plaquettes de frein. Avant, les pièces de rechange comportaient une griffe et étaient fabriquées en amiante. De nos jours, on ne trouve pas ces griffes dans la majorité de ce genre de marchandises. Entre temps, on utilise d'autres matières que l'amiante pour les fabriquer. Cette nouvelle situation a ouvert le champ à la contrefaçon. » Ceci étant, ajoute le même interlocuteur : « Il y a des clients qui préfèrent se passer des pièces d'origine et me ramènent ce qu'on appelle des pièces imitées pour réparer la panne, parce qu'elles coûtent moins cher. A titre d'exemple, le prix des plaquettes de frein d'origine varie entre 4000 et 5000 DA, cela dépend de la marque et du type du véhicule. De fabrication adaptée ou imitée, elles lui reviennent entre 900 et 1000 DA. A chacun selon sa bourse aussi. Les pièces détachées sont importées d'Espagne, de Turquie, de l'Europe de l'Est et des pays asiatiques, tels que la Chine et la Corée du Sud. Mais avant d'atterrir chez nous, elles passent par plusieurs intermédiaires. »