Les Etats-Unis restent-ils la première puissance au monde ? La question peut paraître purement rhétorique, se demande ainsi Michael Ignatieff, dans le New York Times, c'est «la seule nation qui police le monde à travers cinq commandements militaires ; qui maintient plus d'un million d'hommes et de femmes en armes sur quatre continents ; qui déploie des groupes de porte-avions en veille sur chaque océan ; qui garantit la survie de pays, d'Israël à la Corée du Sud ; qui tient le volant du commerce et des échanges globaux et qui remplit le cœur et les esprits de toute la planète de ses rêves et désirs». Alors comment peut-on douter de l'immense puissance des Etats-Unis ? Cependant, en optant pour une politique étrangère, inédite dans l'histoire des Etats-Unis, Laure Mandeville l'a très bien décrite : «Loin d'être théorisée, la politique internationale du président américain se nourrit essentiellement de quelques instincts : la primauté du rapport de force, l'idée qu'il faut s'occuper des siens avant de s'occuper des autres et la réintroduction d'un élément transactionnel fort dans le jeu des alliances», en s'acharnant à «détricoter» toute la politique étrangère de l'administration précédente, et en privilégiant une politique de confrontation et de provocation tous azimuts, aussi bien à l'égard des alliés que des adversaires des Etats-Unis, et par un recours à la force militaire décomplexé et impulsif. Il a, paradoxalement, irrémédiablement entamé cette puissance. L'on se doutait, qu'avec Trump aux commandes, cela déséquilibrerait de nombreuses régions dans le monde où les Etats-Unis ont un rôle déterminant. Les décisions de Trump ont confirmé cette crainte d'une Amérique unilatérale et impulsive que nombre d'observateurs redoutaient, et qui allait mettre les Etats-Unis dans une position isolée sur la scène internationale. La plus symbolique de ces décisions a, bien évidemment, été de reconnaître unilatéralement Jérusalem comme capitale de l'Etat d'Israël, décision condamnée par l'immense majorité de la communauté internationale, qui ne fait qu' exacerber des tensions déjà très vives et qui acte définitivement le parti pris des Etats-Unis pour Israël dans le conflit. Autre décision unilatérale : la remise en cause de l'accord sur le nucléaire iranien, pourtant signé avec cinq autres parties, et qui a ensuite été le préalable d'un durcissement sans précédent de la politique envers l'Iran. Réémergence Enfin d'un point de vue plus global, la décision de se retirer de l'accord de Paris sur le climat, a été sans doute la plus emblématique, en s'isolant définitivement du reste de la planète et en sapant le prestige de l'Amérique comme nation «leader» dans le monde. Selon la chercheuse et spécialiste des Etats-Unis, Alexandra de Hoop Scheffer, la politique étrangère de Trump est «chaotique à plusieurs égards». «Son imprévisibilité injecte un sentiment d'incertitude sans précédent, alors que le contexte d'instabilité internationale requiert au contraire de la prévisibilité et de la prudence dans ses relations avec le monde.» A l'inverse de ce «retrait» des Etats-Unis, l'on voit la réémergence de puissances dites «révisionnistes», car elles remettent en cause l'hégémonie et l'ordre international instauré par Washington après la guerre froide, à leur tête la Russie de Vladimir Poutine et la Chine de Xi Jinping, qui sont les grands bénéficiaires de la situation actuelle de défiance envers les Etats-Unis. Et comme la nature a horreur du vide, ces puissances s'engouffrent dans les brèches laissées par les Etats-Unis, et le Moyen-Orient en est la parfaite illustration. Un temps incontournable dans la région, l'Amérique s'est peu a peu désengagée et a laissé la place à la Russie comme acteur indispensable et déterminant. Il y a aussi la France du président Macron, qui se veut le leader de la lutte contre le réchauffement climatique en lieu et place de l'Amérique. Dans un récent rapport, le président américain a dévoilé sa stratégie nationale de sécurité et détaillé les menaces pesant sur les Etats-Unis, il aussi détaillé sa vision du monde qui ne serait qu'une gigantesque compétition internationale, où les Etats-Unis, pour l'emporter, n'ont d'autre choix que de durcir le ton. Dans cette vision d'un monde en perpétuelle compétition, où doit triompher «l'Amérique d'abord», l'administration Trump identifie deux menaces principales. Tout d'abord, les puissances rivales, Chine et Russie, «La Chine et la Russie contestent le pouvoir, l'influence et les intérêts américains et tentent d'éroder la sécurité et la prospérité américaines.» Et la seconde menace pour la sécurité de l'Amérique sont les «dictatures» nord-coréenne et iranienne, qu'il qualifie de «fléau de ce monde». Pas sûr, avec ce ton incisif et belliqueux, qu'il puisse remettre en selle l'influence américaine dans la marche du monde.