Belkhadem a trôné, cette semaine, comme une très haute autorité sur le petit écran. Il a eu droit à un traitement télévisuel exceptionnel à l'occasion de la tenue du 9e congrès du FLN. Même si le conclave du vieux parti… unique ne représente, de nos jours, pratiquement rien pour le commun des Algériens, notamment pour les nouvelles générations qui ont l'esprit branché sur d'autres préoccupations bien plus motivantes pour leur avenir, la Télévision nationale a pris sur elle (sans nous demander notre avis) de mobiliser tout son potentiel médiatique – comprendre ses trois principales chaînes – pour le présenter (ou le vendre) à l'opinion publique comme un événement majeur qui va peser lourd sur le cours de la vie politique en Algérie. On a pour ainsi dire déroulé le tapis rouge pour le secrétaire général du front, l'accompagnant d'une couverture en prime time du congrès avant, pendant et après son déroulement. Pensez bien que notre chère télé s'est même permise le luxe de prioriser, dans son JT, le rendez-vous de la Coupole entre Belkhadem et ses militants par rapport à la date historique du 19 Mars qui valait comme le veut la tradition mieux qu'une seconde ouverture. C'est dire que l'Unique était comme obnubilée par cette actualité FLNiste à laquelle elle consacra de larges créneaux horaires dans son programme informatif, s'impliquant avec un volontarisme douteux qui rappelle étrangement les années de plomb. Dans cette affaire, force est de croire que la télé d'El Eulmi s'est embarquée dans un parti pris flagrant en accordant de gros privilèges au FLN, alors que ses obligations du service public lui recommandaient un peu plus de retenue. Mais il ne faut pas s'y méprendre, l'info, dans ce contexte un peu spécieux, a largement été surclassée par la part de propagande pour amplifier à l'extrême l'importance de ce congrès qui, sans les caméras qui lui servent de soutien… logistique, ne pourrait jamais obtenir l'écho populaire auquel il aspire pour montrer qu'il demeure, malgré tous les bouleversements que connaît notre société, le parti dominant, du passé, du présent et du futur… Il y a eu donc, comme il fallait s'y attendre, une grande kermesse à la Coupole qui a cependant pondu peu de choses qui puissent donner de l'intérêt à nos attentes, à la manière de la montagne qui accouche d'une souris. En effet, alors qu'on espérait (sans trop rêver) voir des assises un peu plus démocratiques, comme l'a d'ailleurs souhaité dans son message le chef de l'Etat dont on ne sait plus tellement s'il est Président en exercice ou président d'honneur du vieux parti, on n'éprouve pas encore la moindre honte à proposer un candidat unique aux congressistes, comme si le temps et l'espace n'ont aucune prise sur la marche de l'organisation. Belkhadem, au demeurant, a tellement bien manœuvré pour baliser le terrain à sa propre succession, tout en trouvant les mots démagogiques qu'il faut pour parler de démocratie, de changement, de nouvelle ère, etc. Des déclarations évidemment creuses que l'ex-leader du parti Abdelhamid Mehri a démolies en une seule phrase : « Au FLN, le débat démocratique est interdit… », assène-t-il. Il ne restait alors pour sauver la mise que de proposer le retour aux vieilles appellations pour booster le parti de l'intérieur. Revenir au comité central et au bureau politique, voilà en fait la géniale trouvaille de Belkhadem pour légitimer sa mainmise sur une organisation qui marche à reculons en se refermant dans un stalinisme suicidaire. Pouvait-il faire plus, avoir plus de créativité ? Des idées plus novatrices ? Avoir en réalité une conviction démocratique ? Nombreux sont ceux qui en doutent. Et pour cause, les Algériens n'ont pas entendu la voix du FLN se prononcer sur les scandales de Sonatrach, de l'autoroute Est-Ouest, de l'affaire du thon dans le secteur de la pêche. Idem pour les grèves des médecins et des enseignants. Sur les revendications sociales des émeutiers qui occupent la rue pour faire valoir leur droit. C'est quoi le FLN au juste aujourd'hui ? Le billettiste du Soir d'Algérie, notre ami Maâmar Farah, a estimé que le FLN n'a même pas de programme propre puisqu'il applique le programme du président de la République avec les partis de la coalition. Pourquoi donc se lance-t-il dans des projets qui ne font pas partie de ses attributions ? Dans une Algérie fermée et immobile comme l'a ressenti le journaliste et écrivain Jean Daniel, la vision du FLN paraît comme complètement dépassée par les événements. Trop archaïque en tout cas pour permettre au pays d'avancer et sortir de son conservatisme ravageur. Quant à la télé, elle a intérêt à revenir à de meilleurs réflexes professionnels, si elle veut conserver la petite parcelle de crédibilité qui lui reste.