Querelles à fleurets mouchetés ou veillée d'armes ? Entre les soupirants au « grand jeu » de la succession : Ahmed Ouyahia, Abdelaziz Belkhadem, Bouguerra Soltani et Louisa Hanoune, la guerre (de positions) fait d'ores et déjà rage. A coups de déclarations incendiaires, d'échanges véhéments, d'accusations en tous genres, les partenaires et assimilés de l'Alliance présidentielle se donnent chaque jour la réplique, offrant le triste spectacle d'une vie politique réduite à sa plus vaudevillesque expression. A mille lieues des préoccupations nationales (pouvoir d'achat, libertés publiques et privées, assainissement et moralisation de la vie publique, etc.), les prétendants au trône multiplient les sorties fracassantes. Les vraies fausses polémiques s'installent, enflent, risibles et hors de propos. Des questions des plus « sérieuses » – abolition de la peine de mort, projet de loi incriminant la colonisation – sont invoquées comme prétextes à des règlements de comptes entre « rivaux » , instaurant un « débat » bas de gamme, volant au ras des pâquerettes. Cause « universelle », si elle en est, l'abolition de la peine de mort (peine commuée en 1993 en réclusion à perpétuité) offre au duo Louisa Hanoune, secrétaire générale du Parti des travailleurs (PT), et Bouguerra Soltani, « gourou » du Mouvement de la société pour la paix (MSP), l'opportunité d'instaurer un débat de caniveau. Peu amène, l'échange entre les deux figurines politiques, alliées par procuration, est d'une affligeante trivialité. Bouguerra Soltani, plus fragilisé que jamais (il est mis en cause dans des affaires de corruption, notamment dans les marchés de la sous-traitance relatifs au projet de l'autoroute Est-Ouest), essuie une volée de bois vert. Plutôt rouge. Favorable à l'abolition de la peine de mort, la « trotskyste » Louisa Hanoune, piquée au vif par l'invite à la « repentance » que lui a adressée à la mi-mars l'ancien ministre d'Etat, réagit au quart de tour. « C'est un hypocrite, répondit-elle. Soltani doit choisir entre la pratique de la roquia ou faire de la politique. » Elle enchaîne, grand soin est pris d'inclure quelques allusions assassines, notamment celles en rapport avec les démêlés de Bouguerra Soltani avec la justice. « Je n'ai pas à me repentir. Je ne suis ni fourbe ni ne détourne l'argent public. » Bouguerra Soltani récidive (loi du talion oblige), mardi : l'attaque personnelle est de rigueur dans sa déclaration à El Khabar. « Cette dame a finalement laissé tomber le masque (qui couvre son visage). Elle dénie l'existence à l'Islam (…) Hanoune est atteinte (ou dérangée), a peut- être besoin d'une roquia. » Le « débat » escamoté sur la peine de mort. Le « gourou » du MSP, le « bourourou » du RND. La paire « présidentiable » Belkhadem-Ouyahia ne s'en sort pas plus mal. Les « attaques » sont, certes, plus élaborées, plus sournoises, elles ne renvoient pas moins au duel à couteaux tirés, au corps à corps que se livrent depuis plus d'une décennie les deux vizirs qui se voient califes à la place du calife. Le 11 mars, lors de la tenue du conseil national du RND, le Premier ministre (secrétaire général du RND), Ahmed Ouyahia, tacle méchamment son alter ego du FLN, Abdelaziz Belkhadem. Il enfonce le FLN et son secrétaire général à la veille de son congrès en mettant le doigt sur la plaie béante : le projet de loi (mort-né) portant criminalisation du colonialisme échaudé par des députés FLN. « Le nationalisme est devenu un registre du commerce (…) Cela fait 50 ans que le pays est indépendant… Tous ceux qui nous ont gouvernés étaient-ils endormis ? Est-ce aujourd'hui que les gens se réveillent ? Où étaient ces gens lorsque le Parlement français avait adopté la loi du 23 février ? Cessons les surenchères ! Ouyahia se sait partant avec les faveurs des pronostics même s'il feint de les sous-estimer. Il y a un 'bourourou' (épouvantail) en Algérie qui s'appelle Ouyahia. J'assume mes responsabilités en toute liberté », disait-il. La réaction de Belkhadem, le SG ragaillardi du FLN, ministre d'Etat, porte-parole du président Bouteflika, est plus « mesurée ». Il apporte son « soutien » au gouvernement sans se départir de son droit à la critique savamment enveloppée. Le 12 février dernier, Abdelaziz Belkhadem n'a pas hésité à sous-entendre que les opérations de lutte contre la corruption sont l'œuvre d'un règlement de compte. La lutte contre la corruption ne relève pas uniquement de la responsabilité du Premier ministre ou du ministre, disait-il. Celle-ci doit se faire « sans mensonge et sans règlement de compte ».