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Renforcement des sanctions à l'encontre des employeurs
Publié dans El Watan le 19 - 02 - 2018

L'énoncé sur trois pages, au Journal officiel n° 76 du 28 décembre 2017, portant loi de finances 2018, consacre la révision des sanctions applicables aux infractions déjà précisées par la loi n° 88-07 du 26 janvier 1988 relative à l'hygiène, la sécurité, la médecine du travail et par la loi n° 90-11 du 21 avril 1990 relative aux relations de travail.
La loi 88-07 définit les voies et les moyens en vue d'assurer aux travailleurs les meilleures conditions en matière d'hygiène, de sécurité et de médecine du travail. L'exécution de ces mesures incombe aux employeurs, quel que soit le secteur d'activité. Cette loi contient une série de règles générales en matière d'hygiène et de sécurité en milieu du travail, de médecine du travail, de formation et d'information, d'organisation de la prévention, de financement et de contrôle, mais également en matière de sanctions.
La loi 90-11 régit les relations individuelles et collectives de travail entre les travailleurs salariés et les employeurs. Outre qu'elle traite des droits et obligations des travailleurs, elle met à la charge des employeurs une série d'obligations qui, lorsqu'elles ne sont pas respectées, les expose à l'application de dispositions pénales.
Ce n'est pas la première fois que le spectre des sanctions est mis en avant pour rappeler les employeurs à l'ordre, avec leur renforcement par loi de finances interposée.
Parcours sur les lois de finances antérieures
La loi de finances complémentaire de 2015 avait déjà affermi certaines sanctions dans les cas suivants :
• Amende de 10 000 DA à 20 000 DA pour tout recrutement d'un jeune travailleur n'ayant pas atteint l'âge prévu par la loi, à l'exception des contrats d'apprentissage.
• Amende de 10 000 DA à 20 000 DA, multipliée par autant de fois qu'il y a de travailleurs concernés pour tout employeur qui rémunère un travailleur à un salaire inférieur au Salaire national minimum garanti (SNMG) ou au salaire fixé par la convention ou l'accord collectif de travail, avec aggravation de la sanction de
20 000 à 50 000 DA, en cas de récidive, par autant de fois qu'il y a de travailleurs concernés.
• Amende de 10 000 DA à 20 000 DA par infraction constatée pour tout contrevenant aux dispositions de la loi n° 81-10 du 11 juillet 1981, relative aux conditions d'emploi des travailleurs étrangers, qui occuperait un travailleur étranger, sans que ce dernier ne dispose d'un permis de travail ou d'une autorisation de travail temporaire, ou qui serait en possession d'un titre périmé, ou serait employé dans une fonction autre que celle mentionnée sur lesdits documents.
• Amende de 5000 DA à 10 000 DA pour le défaut de transmission par l'organisme employeur de l'avis de résiliation du contrat de travail du travailleur étranger ou de l'état nominatif du personnel étranger.
• Amende de 100 000 DA à 200 000 DA et peine d'emprisonnement de deux (2) à 6 (six) mois ou une des deux peines par travailleur non affilié pour tout employeur qui n'a pas procédé à l'affiliation à la sécurité sociale dans les délais prévus par la législation en vigueur.
L'article 59 de la loi de finances complémentaire de 2015 prévoyait pour les cas de récidive une aggravation des sanctions en portant l'amende dans un intervalle compris en 200 000 DA et 500 000 DA, par travailleur non affilié, et d'une peine d'emprisonnement de deux (2) à vingt-quatre (24) mois.
De son côté, la loi de finances 2017 a modifié l'article 59 de la loi de finances complémentaire pour 2015, en combinant atténuement et aggravation, puisqu'elle réduisait le premier palier supérieur d'amende de 500 000 DA à 400 000 DA, mais augmentait le second palier supérieur pour les cas de récidive de 500 000 DA à 1 000 000 DA, par travailleur non affilié.
Cette révision d'une disposition de loi de finances, sur l'obligation d'affiliation auprès de l'organisme de sécurité sociale, allait de pair avec un programme de régularisation des affiliations, autant pour les employeurs que pour les personnes exerçant une activité non salariée, en accordant une exonération des majorations et pénalités de retard et un délai pour la régularisation des affiliations, étendu au 31 décembre 2016.
C'est dans ce contexte que la peine de prison, sous la nouvelle rédaction de l'article 59, était retirée par la loi de finances 2017, tant la mesure paraissait sévère eu égard à la nature de l'infraction.
Les surprises de la loi de finances 2018
Si la peine d'emprisonnement semblait mise au placard pour ce qui concerne les infractions liées à l'affiliation auprès des caisses d'assurance sociale, la loi de finances 2018 maintient cette sanction extrême au cas des obligations prévues par les lois 88-07 et 90-11.
Les articles 98 et 99 de la loi de finances 2018 apportent les modifications aux dispositions traitant des sanctions prévues respectivement par la loi n° 88-07 du 26 janvier 1988 relative à l'hygiène, la sécurité et la médecine du travail et par la loi n° 90-11 du 21 avril 1990 relative aux relations de travail. Pour ce qui concerne les amendes, celles-ci ont été relevées de manière substantielle, s'il est vrai que les lois concernées n'ont pas été révisées pour les sanctions depuis leur promulgation.
D'une manière générale, les pénalités sont multipliées au minium par dix (10). L'énoncé des infractions et des sanctions révisées par la loi de finances 2018 est tellement abondant qu'il pourrait donner le tournis aux personnes non initiées et pourtant concernées.
Une des manières de les répertorier serait de les reprendre par niveau de gravité de sanction, tel que décrit ci-après. C'est ainsi que pour ce qui concerne les sanctions prévues par la loi n° 88-07 du 26 janvier 1988 relative à l'hygiène, la sécurité et la médecine du travail :
• L'amende pour fabrication, vente ou exposition d'équipements avec des défauts de conception qui ne répondent pas aux normes nationales ou internationales en matière d'hygiène et de sécurité est portée de l'intervalle de 1000 à 2000 DA à l'intervalle de 10 000 à 20 000 DA.
En cas de récidive, ces infractions entraînent dorénavant une amende de 40 000 à 50 000 DA avec un emprisonnement maintenu entre deux (2) mois et six (6) mois et ou l'une des deux peines seulement (anciennement l'amende en cas de récidive exposait à une amende de 4000 à 6000 DA). Les mêmes sanctions s'appliquent au cas de l'utilisation non déclarée ou non autorisée, selon le cas, de substances, produits ou préparations dangereuses.
• L'amende pour contravention aux principales dispositions de la loi 88-07 est portée à 10 000 et jusqu'à 20 000 DA (anciennement, l'amende était de 500 à 1500 DA).
En cas de récidive, la peine d'emprisonnement qui était de trois (3) mois, au plus, est portée entre trois (3) mois et six (6) mois avec une amende de 40 000 à 50 000 DA, ou l'une des deux peines seulement.
Les principales dispositions de la loi 88-07 auxquelles les employeurs doivent se conformer sont celles ayant trait à garantir la sécurité des travailleurs, comme la conception et l'aménagement appropriés des locaux affectés au travail, la dotation en vêtements spéciaux, équipements et dispositifs individuels de protection, le choix de techniques et de technologies adaptées, l'exercice de la médecine du travail sur les lieux de travail à la charge de l'employeur, l'obligation de l'examen médical d'embauche ou de reprise, l'institution de commissions paritaires d'hygiène et de sécurité, voire d'organismes d'actions complémentaires pour les secteurs d'activité à haut degré de risque ou d'un service d'hygiène et de sécurité lorsque l'importance et la nature de l'activité l'exigent.
• L'amende pour manquement aux dispositions de la loi 88-07 relatives à l'information des travailleurs sur les risques auxquels ils sont exposés et de la prévention des risques par des instructions adaptées, de l'information et de la formation du personnel sur la matière est portée de 10 000 à 20 000 DA et de 40 000 à 50 000 DA en cas de récidive.
Par ailleurs, les sanctions relatives aux manquements de la loi n° 90-11 du 21 avril 1990 relative aux relations de travail connaissent un affermissement repris sous l'article 98 de la loi de finances 2018.
Ainsi, une amende de 10 000 DA à 20 000 DA s'applique désormais aux contrevenants autant de fois qu'il y a de travailleurs concernés, portée de 40 000 à 50 000 DA en cas de récidive, pour les infractions commises quant aux dispositions suivantes de la loi 90-11 :
• Aux conditions d'emploi des jeunes travailleurs et des femmes (article 141).
• Aux dispositions relatives à la durée légale hebdomadaire de travail, à l'amplitude journalière de travail et aux limitations en matière de recours aux heures supplémentaires ainsi qu'au travail de nuit pour les jeunes et les femmes (article 143).
• Au dépassement dérogatoire en matière d'heures supplémentaires (article 143-bis).
• Aux repos légaux (article 144).
• Aux journées de repos hebdomadaire, aux congés annuels et aux congés de maladie (article 145).
• Au recours au contrat à durée déterminée, en dehors des cas et des conditions expressément prévus aux articles 12 et 12 bis de la loi 90-11 (article 146 bis.)
• A l'obligation de dépôt du règlement intérieur auprès de l'inspection du travail et du greffe du tribunal compétent. (article 147 sans disposition prévue pour la récidive).
• Aux rémunérations sans remise au travailleur d'une fiche de paie correspondant à la rémunération perçue ou d'une fiche de paie remise avec omission d'un ou plusieurs des éléments composant le salaire perçu (article 148).
• Au dépôt et à l'enregistrement des conventions et accords collectifs, de leur publicité auprès des travailleurs concernés ainsi que tout refus de négociation dans les délais légaux (article 152).
• A la tenue des livres et registres spéciaux prévus par la réglementation (article 154).
L'amende est plus sévère pour les cas de compression d'effectifs, en violation des dispositions de la loi 90-11, sans préjudice des droits des travailleurs pour leur réintégration, puisqu'elle peut être prononcée entre 100 000 DA et 200 000 DA, multipliée par autant de fois qu'il y a de travailleurs concernés.
Elle n'était que de 2000 DA à 5000 DA par travailleur concerné.
Les autres cas de même amplitude d'amende, mais augmentée en cas de récidive, combinée ou non à une peine d'emprisonnement concernent :
• La signature d'une convention collective ou d'un accord collectif de travail dont les dispositions sont de nature à asseoir une discrimination entre les travailleurs en matière d'emploi, de rémunération ou de conditions de travail.
En cas de récidive, la peine est fixée entre 200 000 à 500 000 DA ou à un emprisonnement d'un (1) mois à trois (3) mois, ou de l'une de ces deux peines seulement. (article 142).
• L'obligation de versement à terme échu de la rémunération due qui expose l'employeur débiteur à une amende de 10 000 à 20 000 DA multipliée par autant de fois qu'il y a de travailleurs concernés, et en cas de récidive, portée de 40 000 DA à 50 000 DA applicable autant de fois qu'il y a de travailleurs concernés et d'un emprisonnement de trois (3) mois à six (6) mois, ou de l'une de ces deux peines seulement. (article 150).
• L'entrave à la constitution et au fonctionnement du comité de participation, que les dispositions pénales de la loi 90-11 punissent désormais d'une amende de 100 000 à 200 000 DA et d'un emprisonnement d'un (1) mois à trois (3) mois ou de l'une de ces deux peines seulement.
En cas de récidive, la peine est de 200 000 DA à 500 000 DA multipliée par autant de fois qu'il y a de travailleurs concernés et d'un emprisonnement de trois (3) mois à six (6) mois, ou de l'une de ces deux peines seulement. (article 151).
Une seule mesure non coercitive
La seule mesure non coercitive est celle qui prévoit un aménagement de taille pour ce qui concerne les obligations des personnes exerçant une activité commerciale pour leur propre compte, dont l'affiliation auprès de l'organisme de sécurité sociale s'opérera dorénavant de manière concomitante à l'immatriculation au registre du commerce.
Désormais, cette immatriculation vaudra déclaration au régime de sécurité sociale des non-salariés au moyen de formulaires fournis par le Centre national du registre du commerce (CNRC). Il est précisé que les modalités d'application de cette disposition seront fixées par voie réglementaire.
Cette simplification des procédures administratives pour les commerçants individuels laisse songeur quant aux mesures similaires qui pourraient être prises pour simplifier la tâche des employeurs devant un lourd dispositif d'obligations, porteur de sanctions pour des situations souvent hors de leur contrôle.
Par :
Samir Hadj Ali , expert-comptable


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