L'unité de l'armée libyenne est à l'ordre du jour du sixième round des négociations interlibyennes qui se tient à partir d'aujourd'hui au Caire, en présence des chefs d'état-major des armées de l'Est et de l'Ouest, Abderrazek Nadhouri et Abderrahmane Taouil. C'est l'Egypte qui parraine ces tractations dont l'ancien round, tenu du 16 au 20 février, a conclu sur la nécessité de passer à l'action en matière de réunification de l'armée, d'où la présence de Nadhouri et Taouil. Sur un autre plan, Tripoli abrite à partir d'aujourd'hui la 2e rencontre des municipalités libyennes, deux mois après celle de Chahat, en présence des représentants de l'Est et de l'Ouest, en vue d'améliorer les services rendus aux citoyens, loin des surenchères politiques. Deux actions montrant que les Libyens avancent sur la voie de la réconciliation malgré la complexité du paysage politique. L'échec des envoyés spéciaux de l'ONU ne saurait faire ignorer aux observateurs que la scène libyenne ne cesse d'envoyer des signaux positifs quant à l'amélioration de la situation générale dans le pays durant ces deux dernières années. En effet, les terroristes de Daech ont été éjectés de Syrte et de Benghazi. Les deux blocs victorieux de l'Est et de l'Ouest ont eu la sagesse requise pour éviter la confrontation entre eux, suite à ces victoires. Pourtant, les troupes de Daech de Benghazi ont été soutenues par une aile des islamistes de Tripoli et Misrata, à l'image du mufti déposé Sadok El Ghariani ou des unités de défense de Benghazi de Mustapha Charkassi, qui trouvent refuge à Misrata, une fois chassées par les troupes de Haftar. C'est dire que les factions libyennes opposées ont suffisamment été sages pour ne pas s'affronter ouvertement, ce qui donne toujours espoir pour une réconciliation. La deuxième raison de l'espoir, c'est le pétrole. L'extrême tension pour le contrôle des terminaux pétroliers de Sedra, Briga et Ras Lanouf, n'a pas fait perdre raison à Haftar, dont la force militaire ne l'a pas empêché de laisser faire l'Entreprise nationale du pétrole et la Banque centrale libyenne, basées à Tripoli. C'est ce pétrole qui a permis de continuer à payer les salaires de tous les Libyens, de l'Est et de l'Ouest. Par ailleurs, aux dernières nouvelles, c'est le gouvernement de Tripoli qui va payer tous les salaires, à partir du mois d'avril, après une scission ayant duré depuis 2015. Le budget 2018 prévoit 17,5 milliards de dollars pour ladite enveloppe des salaires. Les rentes pétrolières assurant des revenus supérieurs à 24 milliards de dollars, puisque la production avoisine déjà les 1,1 million de barils par jour et les cours sont aux alentours de 60 dollars. Blocage sur toute la ligne Cette tendance à la réconciliation sur le terrain n'a pas empêché le différend politique de perdurer. En effet, l'application de la feuille de route de l'envoyé spécial de l'ONU, Ghassen Salamé, est renvoyée aux calendes grecques. Salamé ne cesse de parler de la réunification des établissements libyens et de la préparation des élections, sans pouvoir réunir les acteurs en mesure de parvenir à de tels objectifs. Un politologue universitaire libyen avait raconté un jour comment il avait demandé à Cheikh Béchir Kebti, le leader des Frères musulmans, et Mahmoud Jibril, le leader des libéraux (Rassemblement des forces nationales) de s'éloigner de l'avant de la scène. «Souihli, Kebti, Jibril, Belhaj, Sallabi, etc. n'ont plus de place sur la scène», avait-il dit, ils traînent un lourd passif entre eux qui les empêche de tourner la page. Ledit politologue propose de passer le témoin à la nouvelle génération qui saurait mieux voir l'intérêt de la Libye. Une preuve de cet espoir est exprimée à travers un débat organisé par l'université Omar Al Mokhtar à Al Baydha, autour du projet de Constitution, qui a réuni des universitaires constitutionnalistes, des membres de la Constituante, aussi bien favorables qu'opposés au projet, ainsi que des représentants de la société civile. La discussion a porté sur les avantages et les inconvénients dudit projet de Constitution. Tout le monde a convenu de poursuivre le débat à travers la Libye pour éclairer les citoyens sur ce projet, afin que chacun soit conscient de la position qu'il a à adopter au référendum. «C'est déjà un grand acquis que les Libyens débattent entre eux, dans le respect de la différence», estime le politologue Ezzeddine Aguil.