C'est le colonel Ahmed Mesmari, le porte-parole de l'Armée nationale libyenne (ANL) de Khalifa Haftar, qui a été le premier à lancer les hostilités, le 5 avril, en annonçant le début de l'opération de libération de la base aérienne de Tamanhint, située 40 kilomètres au nord de Sebha, principale ville du Sud libyen. La page Facebook de l'ANL a montré un vaste mouvement de troupes de l'est vers le sud. Les informations provenant ce jour-là de la zone ont rapporté que des avions de Misrata ont bombardé la base de Barak Chatt, 90 kilomètres au nord de Sebha, alors que des avions de Haftar ont bombardé la base de Tamanhint. Le ministre de la Défense du gouvernement de réconciliation de Tripoli, Mehdi Barghathi, avait donné l'ordre aux commandements des forces aériennes basées à Tripoli et Misrata de secourir Tamanhint, en attaquant Barak Chatt. Le chef du gouvernement, Fayez El Sarraj, a averti des risques d'une guerre civile. Depuis, c'est la mobilisation des deux côtés. Chacun veut renforcer ses troupes basées dans la région de Sebha. Haftar appuie la 12e brigade mécanisée, alors que Barghathi envoie du soutien à la 3e force, chargée par Tripoli de protéger le Sud. Enjeux Après ses victoires à Benghazi, la reprise du contrôle du Croissant pétrolier, le maréchal Haftar s'est intéressé à étendre son emprise aux zones du Sud, pouvant être une source d'instabilité pour l'acheminement du pétrole vers les terminaux de l'Est. Ainsi, le vieux maréchal a renforcé ses positions à Al Kofra au Sud-Est, et il commence à s'étendre vers Sebha, la grande métropole du pays Fezzan. La présence militaire dans cette région relève des gouvernements de l'Est et de l'Ouest libyen. Les hommes de la 12e brigade mécanisée de Mohamed Ben Nayel, relevant de l'ANL de Haftar, contrôlent la base militaire de Barak Chatt, alors que la 3e force, désignée par Tripoli, est positionnée à la base de Tamanhint. Des accrochages sont survenus entre les deux camps à plusieurs reprises en 2016. L'arbitrage des chefs de tribu a abouti à cet armistice ; les tribus ayant toutefois demandé à la 3e force de quitter la région. Les derniers communiqués des chefs de tribus sont favorables au Parlement de Tobrouk et déclarent leur allégeance au maréchal Haftar. Un tel positionnement de la chefferie tribale de Fezzan n'a pas empêché le porte-parole du ministère de la Défense du gouvernement de réconciliation, Mohamed Ghasri, d'annoncer sur la chaîne Raed que l'opération «L'espoir promis» a été lancée pour déloger du Sud libyen les troupes de Ben Nayel et celles de l'Etat islamique. La déclaration de Ghasri a suivi un communiqué émanant des «colonnes de défense de Benghazi», annonçant la remise du contrôle de la base aérienne de Tamanhint/Sebha aux troupes du bloc soudé, relevant du ministère de la Défense de Tripoli. Risques de confrontation Rappelons qu'un mois plus tôt, suite à la prise par ces mêmes «colonnes de Benghazi» des ports pétroliers de Ras Lanouf et Sedra, leur chef, Mustapha Charkassi, a également annoncé la remise du contrôle de ces ports au général Driss Boukhemada, désigné par le gouvernement El Sarraj. Les troupes de Charkassi ont été chassées par Haftar du triangle pétrolier et elles se sont repliées sur Tamanhint, 775 kilomètres, loin de Ras Lanouf. «Les troupes de Charkassi sont là, juste pour contrarier les plans de Haftar, afin de justifier une prétendue intervention de réconciliation de la part des troupes du gouvernement de Tripoli», explique Jamel Bennour, ex-président du conseil local de Benghazi. Pour ce juge, exilé à Tunis, Haftar essaie de cerner Tripoli et Misrata de tous les côtés. «Déjà, à l'ouest, sur la route vers la Tunisie, les gens de Ouerchfana sont opposés au gouvernement de Tripoli ; un peu plus au sud-ouest, il y a les gens de Zentane qui ont une revanche à prendre après leur sortie de l'aéroport de Tripoli en 2014 ; la base aérienne de Wtiya, pas loin de Zentane, relève de l'autorité de Haftar ; ne reste donc que la base de Tamanhint pour fermer la boucle, puisque toutes les bases militaires de l'est sont sous le contrôle de Haftar», selon la lecture de J. Bennour, qui croit néanmoins que «Tripoli est dans l'obligation de riposter, d'où un risque élevé de confrontation. Un silence de Tripoli signifie un feu vert pour Haftar». Jamel Bennour est sceptique quant à l'aboutissement des solutions de réconciliation tribale qui «entretiennent le conflit sans le résoudre». Entre-temps, la tension est à son paroxysme autour des bases de Barak Chatt et Tamanhint, dans la région de Sebha. La scolarité est suspendue depuis une semaine. La mairie de Ouadi Bawanis essaie d'installer un comité de crise, en collaboration avec les chefs de tribu. C'est l'incertitude qui plane.