La nouvelle grille des salaires risque de mettre fin à la charte de stabilité dans le secteur de l'éducation, signée en 2015 entre le ministère de l'Education nationale et les syndicats du secteur. L'Intersyndicale de l'éducation a d'ailleurs menacé, hier, de recourir à la grève pour dénoncer la décision du ministère de l'Education d'adopter une nouvelle grille de régime indemnitaire, sans prendre en compte les propositions des syndicats qui, pourtant, ont été associés au travail de préparation du nouveau statut particulier des travailleurs de l'éducation. Le statut est le seul cadre duquel devraient émaner les mesures régissant la carrière des effectifs. Le ministère risque donc d'avoir une nouvelle crise à gérer à quelques semaines seulement des examens nationaux. «La décision de promotion de plusieurs catégories de fonctionnaires du secteur a balayé tout le travail fait durant trois ans», ont dénoncé hier des représentants de l'Unpef, du Satef, du Cela et du Snte, membres de l'Intersyndicale de l'éducation. L'application du décret présidentiel 14-266 portant sur la revalorisation du diplôme de DEUA et des licences a été saisie par le ministère pour opérer des promotions «sans norme» et «consacrant l'injustice dans les catégories», dénoncent les syndicats. «C'est une insulte pour le travail de la commission mixte dont la mission était de mettre fin aux anomalies du statut», souligne le Conseil des enseignants des lycées d'Algérie. «Ces décisions ne profitent qu'à 3% des fonctionnaires et consacrent davantage la ségrégation entre les fonctionnaires», selon le même syndicat. L'application de ce décret permet certes de rendre justice aux enseignants du primaire, et à certains corps des services économiques lésés par le statut actuellement en vigueur, mais n'a pas accordé le même traitement à tous les fonctionnaires concernés par la situation, signale Boulaem Amoura, président du Satef lors de la réunion. Ce syndicat dénonce d'ailleurs le silence du ministère et le black-out total sur le sort réservé aux travaux de la commission chargée de réviser le statut, dont la synthèse n'est pas encore livrée. Le Satef est convaincu que «cette grille, qui n'engage pas des dépenses supplémentaires énormes, a été adoptée pour détourner le regard et l'attention sur les nouvelles dispositions du nouveau statut qui, elles, nécessitent beaucoup plus de ressources». «Les pouvoirs publics sont en quête de paix pédagogique et sociale à la veille de l'élection présidentielle», souligne M. Amoura, non sans souligner que c'est cette grille qui fera ressortir les syndicats, et que «la rupture avec la charte de la stabilité est vraiment à l'ordre du jour». L'Unpef livre la même lecture de cette grille des promotions «sélective», ayant ciblé beaucoup plus des corps de l'administration que de la pédagogie, selon Belaidi Mebarek, vice-président de l'Unpef. Le Snte, tout en dénonçant ces dispositions contradictoires avec les revendications des fonctionnaires, appelle à la mobilisation des fonctionnaires. «Nous ne voulons pas être des figurants dans le traitement du dossier du statut», ajoute Djahid Hirech, chargé de la communication au SNTE. Zizanie dans les syndicats Le syndicat est d'ailleurs confronté à la pression de la base en colère. L'Unpef, soulignons-le, est organisée en plusieurs unions de corporation, dont l'appréciation des dernières dispositions peut différer, même si la direction de l'Unpef fait miroiter l'image d'un syndicat uni. Les enseignants du moyen et du secondaire ainsi que les conseillers de l'orientation pressent le syndicat pour des actions de protestation ; des assemblées générales sont prévues pour dégager un plan d'action, alors que les représentants de commissions des directeurs du même syndicat sont restés silencieux. Sur la Toile, les enseignants appellent à agir en dehors de la «bannière des syndicats des directeurs». Le Cnapeste révèle «le climat de gêne» créé par la nouvelle grille. Le Cnapeste, qui a applaudi l'annonce de ces mesures, faites en concrétisation des négociations suite à la longue grève que le syndicat a enclenchée, se trouve aujourd'hui confronté à la déception d'une partie de la base. Le coordonnateur national de ce syndicat, Ouilha, qui estimait à l'annonce des mesures qu'elles répondaient aux revendications du Cnapeste, est contredit aujourd'hui par d'autres arguments. Les promotions, dont l'annonce n'est accompagnée par aucun agenda d'application, consacrent davantage «le pouvoir administratif sur le pouvoir pédagogique», estime Messaoud Boudiba, notant que les mesures de Mme Benghabrit «ont mis les syndicats et tout le secteur dans la gêne». Les promotions qui impliquent un avantage financier sont accordées beaucoup plus aux responsables relevant des corps de l'administration que ceux de la pédagogie. Le même syndicaliste estime que l'objectif motivant ce glissement catégoriel «n'est pas clair». Le Cnapeste appelle à des assemblées générales pour dégager un plan d'action. Redoutant que la ministre ait ouvert la brèche à toutes les formes de protestation qui risquent de compromettre le reste de l'année scolaire, le Cnapeste reconnaît «ne pas cerner l'arrière-pensée du ministère».