La sortie ce lundi dans la capitale du président Bouteflika, où il a inauguré deux nouvelles extensions de la ligne du métro vers Aïn Naâdja et la place des Martyrs, ainsi que la mosquée Ketchaoua, n'a pas tant surpris par son opportunité au regard de son état de santé qui ne semble guère s'améliorer que par le faste qui avait entouré cette visite et les arrière-pensées politiques qui s'en dégageaient. Pour les observateurs, l'apparition publique du président de la République renouant avec le terrain avait valeur de baromètre pour jauger ses intentions politiques et celles du clan présidentiel, auquel on a attribué un rôle de cabinet noir durant cette quatrième mandature, où la question de savoir qui gouverne en Algérie ne s'est jamais posée avec autant d'acuité et d'inquiétude. Une étude sémiologique de l'ambiance générale qui avait présidé à l'organisation de ce bain de foule qui se voulait des grands jours ne manquera pas, sans nul doute, de révéler que derrière l'actualité officielle du jour — l'inauguration d'infrastructures à Alger — se dissimulait mal un autre événement non déclaré, à savoir la promotion du 5e mandat de Bouteflika qui flottait dans l'air sur tout le parcours du cortège présidentiel. La multitude de portraits géants du Président accrochés aux façades des immeubles avec un mot d'ordre de campagne électorale très suggestif d'un candidat au long cours «Ensemble construisons l'avenir», l'accueil populaire qui laissait trahir par certains faits et gestes le sentiment qu'il y avait derrière un encadrement pas uniquement partisan, mais politique et institutionnel ; toute cette fébrilité visait-elle à prendre de vitesse l'opposition dans la bataille de l'opinion qui semble bel et bien engagée ? Qui n'a pas remarqué dans la masse des citoyens venue acclamer le Président à la place des Martyrs ces carrés sans doute de militants, dont il était facile de deviner l'appartenance partisane, armés de banderoles aux slogans à la gloire de Bouteflika, s'égosillant jusqu'à en perdre la voix pour réclamer un autre mandat à leur candidat en joignant le geste avec les 5 doigts de la main ? Il faut vraiment être atteint de cécité politique pour ne pas voir dans cette débauche d'énergie et de symboles des relents de campagne avant l'heure, ou à tout le moins une tentative de validation de la candidature de Bouteflika par le plébiscite de la rue ! Son parrainage politique par son parti : le Fln, exhortant Bouteflika à se relancer dans la course électorale pour un nouveau bail, doit lui paraître trop corseté pour un Président qui s'est construit une aura d'homme providentiel, aimé et adulé par le peuple. C'était à «la demande du peuple» qu'il avait brigué le 4e mandat, disait-il en 2014. Le bain de foule auquel il a eu droit ce lundi à Alger était une manière pour les soutiens de Bouteflika de confirmer la popularité du Président et le désir de la vox populi de le voir rempiler pour un nouveau mandat. Mais ceci n'est que la partie visible de l'iceberg. En effet, au regard de l'état de santé de Bouteflika, qui manifestement ne s'améliore pas aussi vite et aussi sensiblement que nous le présentent les témoignages sélectifs, il doit certainement y avoir sur les tablettes du pouvoir un plan B dans le cas où il déclarerait forfait. Dans cette hypothèse, Bouteflika aura un autre rôle à jouer d'ici à l'échéance de la présidentielle : celui d'adouber le candidat du clan présidentiel qui fera du Bouteflika sans Bouteflika, mais surtout, plus globalement, qui offrira les garanties de la survie du système en place.