Au cœur d'Oran, la Place du 1er Novembre (ex-Place d'Armes), jadis rayonnante, a perdu sa vocation culturelle qui fut longtemps la sienne. Tout le « bouillon de culture », qui gravitait autour de cette belle esplanade, contribuant, un tant soit peu, à l'essor culturel de la ville d'Oran, s'est effiloché au fil du temps et des négligences coupables, s'élève un buraliste du coin, tout en évoquant avec émotion et nostalgie le fameux Café du théâtre, fermé depuis une dizaine d'années, au grand dam de sa distinguée clientèle. « Il y avait toute une "faune" faite d'hommes de culture, d'amateurs du 4e art, du cinéma, du livre, de la musique qui se retrouvaient quotidiennement ou presque dans ce bistrot », se souvient cet homme d'un certain âge et d'une mémoire certaine. « C'était pour ainsi dire un monde à part, une grande famille qui se réunissait sur ces lieux devenus mythiques pour réfléchir et débattre des choses de la vie et du quotidien », évoque un autre citadin tout en regrettant, par ailleurs, que des temples de la culture d'Oran, comme le conservatoire Ahmed Wahby ou le musée Ahmed Zabana, se contentent de quelques timides actions culturelles. L'ex-propriétaire de ce grand café, anciennement appelé Brasserie de l'Opéra, Menaouer Bensaâdoune, compare, pour sa part, cet espace à une « annexe » du théâtre tant il prolongeait, par le débat, les représentations théâtrales qui se déroulaient à côté. « C'est ici aussi que germaient et prenaient forme les idées de pièces futures. C'était finalement un lieu de brassage, d'échanges où l'étincelle théâtrale prenait forme avant de s'enflammer sur les tréteaux », dit-il, songeur. Le monde tout aussi magique du sport, de la culture, des journalistes aussi... se rencontrait dans ce café rassembleur, véritable point de chute de ce que comptait Oran comme célébrités artistiques, sportives ou cérébrales mais aussi des gens plus anonymes. Le défunt Café du théâtre, particulièrement bien situé au cœur de la ville, n'était pas cependant le seul lieu public à se prévaloir d'une fréquentation aussi bigarrée qu'intéressante. Parmi ces clubs de rencontre, on cite aussi le Café Nadjah réservé plutôt aux sportifs. Aujourd'hui, force est de constater que, comme un peu partout en Algérie, les cafés foisonnent mais ont perdu cette saveur si particulière qui en faisaient autant de forums de discussions sinon de véritables ports d'attache. Leur clientèle change continuellement tout comme leur personnel, dont l'instabilité est, de nos jours, légendaire pour de multiples raisons. Quasiment tous dotés de petits écrans, ils se sont mués en « salles de spectacles » télévisuels qui s'animent surtout le temps d'un match de football, rassemblant des dizaines de jeunes souvent désœuvrés, se désole un ancien habitué des cafés du coin.