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J'écris pour ne pas laisser les autres le faire à ma place
Rachid Hamatou. Journaliste-reporter, photographe
Publié dans El Watan le 01 - 02 - 2019

Reporter-photographe au quotidien Reporters, Rachid Hamatou, un homme génial, nous fait découvrir à travers ses textes et ses photographies des aspects méconnus du pays chaoui. Il publie un beau livre intitulé Raconte-moi les Aurès avec le soutien du Haut-Commissariat à l'amazighité (HCA). Son livre aurait dû être disponible en 2018, mais, déplore-t-il, «la bêtise humaine, l'incompétence, le clientélisme et l'arrogance en ont voulu autrement.» Bon vent l'artiste !
– Vous êtes journaliste-reporter. Après plusieurs années passées au quotidien Liberté, vous rejoignez la rédaction de Reporters. Vous portez un intérêt à tout ce qui a trait au pays chaoui. Cet intérêt ne s'est jamais démenti. Racontez-nous votre long parcours qui n'a guère été, concédons-le, de tout repos.
Sans grande exactitude, je ne suis pas perfectionniste et cela se remarque ! Mais je pense que cette conscience ou souci de mon pays ou des Awres ne date pas d'hier. Je me souviens qu'au lycée, à l'époque, il y avait des coopérants français – des objecteurs de conscience – c'est après que je l'ai su… Ils venaient enseigner en Algérie pour échapper au service militaire, c'étaient aussi des antimilitaristes. Ils aimaient l'Algérie et beaucoup d'entre eux sont venus dans les Awres pour voir, vérifier, palper de visu cette région dont ils ont entendu parler lors de la Guerre de Libération.
Je me souviens que beaucoup d'entre eux ont vu le film de René Vautier : Avoir 20 ans dans les Aurès, et moi, à l'époque, je ne les avais pas encore ces 20 ans. Subjugués par cette région du pays, beaucoup avaient la passion de la photo, dont mon enseignante, qui m'avait d'ailleurs offert mon premier appareil photo, un Ricoh Kr10 que je garde encore comme un précieux souvenir… Il est de l'époque de l'argentique, pellicule, tirage, ratages, etc. Elle m'a aussi appris les bases de la prise de vue photographique… J'ai toujours voulu écrire pour ne pas laisser les autres le faire à ma place.
Du désir de mettre des sentiments à des mots ou sur des mots est venu le désir de mettre de la lumière ou de la chasser, qui est la base même de la photographie en grec (écrire avec la lumière). Cela s'offrait à moi à 20 ans dans les Awres plurimillénaires, une chance inouïe, un cœur qui bat et respire l'histoire de ce pays. C'est déjà au pluriel (les Aurès). J'avais un terrain de chasse sans armes : Jugurtha, Kahina, puis Ben M'hidi semblaient m'avoir déblayé le chemin.
Paix à leur âme. Je n'étais plus qu'un photographe en herbe à l'arrivée de l'expérience de la liberté de la presse. Ma première expérience, disons la plus sérieuse, j'ai l'ai vécue avec le quotidien Le Matin. N'importe quel correspondant de presse de l'intérieur du pays, ou comme on dit l'Algérie profonde, n'a pas les coudées franches, ne fait pas son travail comme il le souhaite, surtout s'il n'aime pas le moule, le standard et le prêt-à-porter.
– Qu'est-ce qui vous motive donc à persévérer malgré les embûches ?
J'ai eu de mauvaises, voire très mauvaises expériences et j'ai vécu des moments pénibles : deux agressions physiques ; j'ai échappé à une mort certaine ; j'ai été contraint de quitter le pays, mais je ne regrette rien et si c'était à refaire, j'irais au turbin. Ce qui est magnifique, c'est que j'ai gardé de bonnes relations avec mes anciens collègues de la rédaction et nous sommes toujours en contact.
Ecrire à partir de l'arrière-pays, et dans mon cas des Awres, n'a rien à voir avec le travail dans une rédaction, c'est totalement différent, c'est sans filtre et sans protection, les risques du métier sont multipliés par 100. Et comme nous faisons un métier qui nous mène à nous mêler des affaires des autres, il faut s'attendre au pire, sauf si on choisit de rapporter les faits divers, on peut le faire de chez soi en écoutant la radio locale.
Après quelques années de loyaux services pour le journal Liberté, je travaille actuellement pour le quotidien Reporters et je fais ce que je sais faire et que j'ai appris à faire, c'est-à-dire le travail de proximité à travers les Awres : oléiculture, métiers en risque de disparition, hommes et femmes de culture souffrant d'ingratitude et d'omission, legs matériel et immatériel… Rendre visible ce qui peut donner une réelle vue ou image de toute une région qu'on croit connaître, or ce n'est pas le cas.
– L'information de proximité est très importante pour vous…
Oui, loin d'Alger ce n'est pas à moi de faire l'opinion dans un journal, sachant que, hélas, la centralisation étouffe et handicape toute initiative, puisque tout se passe à Alger. Qu'à cela ne tienne, l'information de proximité est un gisement, une source intarissable ; si on veut tous être des chroniqueurs ou des grands reporters, nous n'irons pas loin ; pourtant il ne s'agit pas d'aller loin, mais juste au creux de nos mains pour avoir toute la richesse qui nous échappe.
L'information, pour un correspondant journaliste, elle est là, elle nous crève les yeux, dans les Awres ou ailleurs. Dans mon cas, je suis né dans cette région, dans ce pays, c'est ainsi que les historiens désignent les Awres.
Depuis l'époque où j'accompagnais mes enseignants coopérants qui photographiaient la région chaque fin de semaine… Il y avait aussi les envoyés spéciaux aussi bien de chez nous que des étrangers, qui souvent me demandaient de les accompagner ; ils s'intéressaient à ce que j'écrivais dans un la modeste page régionale.
Je vous donne comme exemple l'anthropologue Yasmine Bendaas, une Américaine d'origine algérienne, qui s'est intéressée aux tatouages dans les Awres et qui a réalisé une études fort intéressante sur le sujet ou encore l'historien italien Andréa Brazzoduro avec qui nous avons sillonné les Awres ; ce chercheur avait une nouvelle approche sur la guerre d'Algérie, son déclenchement et ses faiseurs… Il faut dire que j'ai toujours eu de bons rapports – à quelques exceptions près – avec mes chefs de rubrique et pour une bonne raison, ils et elles me faisaient confiance.
– Dans vos textes et vos photographies, vous montrez des aspects souvent méconnus de votre région…
Effectivement, on croit connaître les Awres, mais souvent on fait fausse route, on tombe alors dans la stigmatisation, voire la standardisation : la Guerre de Libération, le 1er Novembre et c'est bon. Non les Awres c'est aussi Kateb Yacine, Yamina Mechakra, Chebbah El Mekki, Apulée de Madaure, Markunda, feu Abderrezak Hellal, Tamine Abderahmane (Abdou) Germaine Tillon, Anna Greki et j'en passe ! Il y a aussi une nouvelle génération qui assume son histoire, celle de Novembre mais aussi celle de Jugurtha.
A à un moment, il fallait le baroud, est venu le temps du clavier… Beaucoup devront sans donner d'ordre faire un effort pour voir sur la carte où se trouvent les Awres, au pluriel : cela va de M'chouneche, de la wilaya de Biskra, jusqu'à la frontière tunisienne. Et il y a à dire et à écrire, mais aussi et surtout à photographier. Et justement à ce titre, je publierai un beau livre intitulé Raconte-moi les Aurès pris en charge et financé par le Haut-Commissariat à l'amazighité (HCA). Il aurait dû être disponible en 2018, mais la bêtise humaine, l'incompétence, le clientélisme et l'arrogance en ont voulu autrement.
– Vous poursuivez sans relâche votre mission…
Je disais que nous avons cherché loin, ce que nous avons au seuil de nos portes. Si je ne persévère pas, je ne me bats pas, je ne vais pas de l'avant et j'abandonne au premier écueil, il y a doute sur ma volonté et mon désir de faire quoi que ce soit. La suffisance et la facilité ont fait qu'on se contente de ce qui est déjà fait et prêt, et souvent ça ne nous appartient pas. Il est important, voire impératif, du moins pour moi, de déguster un fruit après un labeur. Si des écoliers font 5 km à l'aller et 5 km au retour et que ça se passe à peine à 45 minutes de chez moi et je ne dis rien, il n'y a aucun doute que je ne fais pas mon travail.
Il n'y a pas de rapport avec le courage et la lâcheté, pas du tout, mais à un moment nous devons prendre nos responsabilités, sinon on fait autre chose : vendre des légumes, ouvrir un café, frauder avec la voiture et transporter au noir… au moins on n'a pas la prétention de faire de l'information. L'égalité de chances et la répartition des richesses sont sacrées pour moi. Je serai ingrat de ne pas reconnaître que des amis m'ont toujours soutenu, des femmes et des hommes m'ont encouragé.
J'aurais arrêté il y a longtemps si les habitants de la montagne ne m'avaient pas offert hébergement et couvert, là où j'allais il n'y avait ni hôtel ni auberge, ils m'ont reçu, hébergé et je suis reconnaissant. Et c'est à cet Awres, l'arrière-pays, que je consacre une grande partie de mon livre, qui se veut document, livre ouvert et beau à la fois, où des Aurésiens vont se reconnaître : un faucheur, un semeur, un berger, une fillette qui saute à la corde, le dernier forgeron de Oued El Ma et bien d'autres… je vous laisse le découvrir.
– Comme nous le constatons, la langue et la culture amazighes reprennent leurs droits dans les wilayas de l'Est. Comment expliquez-vous cette renaissance dans des régions qui ont toujours été stigmatisées par le pouvoir central ?
C'est à la fin des années 1970-début 1980 que les jeunes ont commencé à prendre conscience de leur identité et de sa dimension ; comme en Kabylie, ils n'ont pas appris cela à l'école, hélas, mais par des pionniers qu'on a tenté vainement de bâillonner ou de museler. Comme en Kabylie, chanteurs et poètes, par leurs textes, étaient les fers de lance de cette revendication identitaire.
Et le temps leur a donné raison. J'étais personnellement engagé dans cette revendication légitime, j'ai été un membre fondateur du Mouvement culturel amazigh dans les Awres avec d'autres militants, dont feu Tahar Achoura et bien d'autres. En dépit de notre jeune âge et de mon manque d'expérience, nous avons su fédérer un nombre impressionnant d'associations. A travers le pays chaoui, il y a eu la marche historique pour la revendication identitaire, mais pas uniquement, la revendication de l'enseignement de tamazight, la liberté d'expression…
– Justement, comment peut-on inciter la population, surtout les jeunes, à renouer avec leurs racines ?
De nos jours, les jeunes sont dans une autres dynamique, ce qui est normal, ils se veulent activistes, bloggueurs, faiseurs d'opinion, polyglottes ; il y a un département de langue et culture amazighes à Batna, en attendant l'ouverture d'autres instituts dans les autres villes du grand Awres. Ils sont jeunes, conscients, ouverts, Algériens jusqu'aux os, et ils assument leur histoire plurimillénaire.
– La photographie peut-elle jouer un rôle ?
Le photographie que j'ai appris depuis mon jeune âge m'a toujours servi à mémoriser des moments de bonheur, mais pas toujours, car il y a des moments beaucoup plus tristes, d'autres enfin serviront de documents.
Le plus important c'est de mémoriser et c'est un moyen qui n'a pas cessé de se développer pour nous offrir des capacités inouïes pour répertorier et sauver de l'oubli des visages, des vestiges, des écrits… que la mémoire humaine est incapable de garder intacts vu sa défaillance. Je suis peut-être ce passeur de mémoire, celui qui fige des moments pour les générations futures.
La transmission et l'initiation sont d'une importance capitale. Nous devons nous rendre compte et commencer à initier et à transmettre, sans cela tout ce que nous pouvons faire peut disparaître en un clin d'œil.
– Rachid Hamatou
Est né le 5 avril 1960 à Tahememt (El Madher), à quelques encablures du tombeau numide Imedghassen. Il quitte son village et les mauves après avoir entamé la première année scolaire du primaire pour s'installer à Batna. Tour à tour, l'école primaire, le collège, puis le lycée où il rencontre une enseignante, qui lui offert son premier appareil photo.
Depuis, il n'a plus décroché : employé à la maison de la culture de Batna, son premier contact avec la vie professionnelle, professeur de photographie à l'Ecole des beaux-arts de Batna, enseignant de langue française, photographe de presse à l'hebdomadaire régional El Aurès.
Vient ensuite l'expérience de l'écriture et le spectre. La photographie lui avait permis d'imager et d'écrire en image, pour entamer une nouvelle expérience de correspondant de province. Le quotidien El Acil, à Constantine, pour passer au journal Le Matin où il pense avoir connu et appris ce qu'est l'information de proximité.
Années 2000 : départ forcé à l'étranger, mais bénéfique avec des expériences aussi bien dans le journalisme de proximité, que dans l'enseignement du français langue étrangère. Retour au pays pour renouer avec l'écriture à partir des Aurès, mais aussi la photographie, après un passage au quotidien Liberté. Le moment est venu pour éditer. Raconte-moi les Aurès est un beau livre, réalisé avec le Haut-Commissariat à l'amazighité. Il verra le jour en cette année 2019.


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