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Arezki Aït Larbi. Journaliste : « Le DRS joue un rôle prépondérant dans le contrôle de la presse »
Publié dans El Watan le 04 - 04 - 2010

La presse « présumée » indépendante, comme tu le dis si bien, n'a, en définitive, qu'un « seul rédacteur en chef » : le DRS. Jusqu'où cette affirmation peut-elle être vraie ?
Le DRS joue un rôle prépondérant dans le contrôle de la presse, comme de la vie sociale et politique en général. Mais il n'est pas le seul. La responsabilité d'autres secteurs du Pouvoir, comme la justice ou la communication, ne saurait être occultée, même si ceux qui la détiennent légalement ont abdiqué leurs prérogatives dans les faits en se cachant derrière les « traditions » du sérail. Avant de dénoncer les pressions, bien réelles, du DRS ou d'une quelconque autorité, la profession doit d'abord répudier ces réflexes de soumission clanique, d'allégeance tribale et de complicités mercantiles qui garantissent quelques privilèges, mais au prix de graves entorses déontologiques. La responsabilité des patrons de presse est entière ; les plus serviles n'hésitent pas à devancer les désirs de l'autorité, avec comme enjeu essentiel une part de la rente publicitaire. Si l'abus de pouvoir est une réalité condamnable, l'abus d'obéissance, dont il n'est le plus souvent que le reflet, ne l'est pas moins.
La liberté de la presse (des journalistes) ne serait-elle qu'un mythe ?
Les lois – écrites – de la République, à commencer par le très controversé code de l'information, garantissent au journaliste un exercice relativement libre de son métier. Mais la liberté, pour la presse comme pour le reste, n'est jamais acquise ; elle reste un combat permanent. Ce n'est un secret pour personne que des journalistes, et singulièrement des patrons de journaux, prennent régulièrement leur prêt-à-penser à la caserne de Ben Aknoun, sans qu'on leur mette un pistolet sur la tempe. Au demeurant, ils ne s'en cachent même pas. Pour faire carrière, il est préférable de monnayer une échine flexible que de faire valoir un CV professionnel fait de reportages audacieux, d'analyses pertinentes ou d'enquêtes documentées. Et l'on arrive à confondre entre l'information et la délation. Plus grave, des journaux bien protégés, notamment arabophones, ne reculent ni devant le propos raciste, ni la violation de la vie privée, ni même l'appel au meurtre. Autant de délits qui relèvent plus du code pénal que de la liberté d'expression.
Le parquet, d'ordinaire si prompt à s'autosaisir pour défendre la réputation d'un officiel éclaboussé par quelque scandale, ne se sent pas concerné. Comme la justice sous influence, la presse, peu crédible, passe dans son ensemble pour un simple appendice des appareils politico-policiers. Pour redorer une image écornée, convoquer les martyrs de la profession comme ceinture de chasteté éthique ne suffit plus. Il est temps d'en finir avec le corporatisme de maquignons et les solidarités biaisées pour assumer la confrontation autour d'une valeur essentielle : l'éthique. Une note d'espoir toutefois. Dans les rédactions, de jeunes journalistes jaloux de leur autonomie et attachés aux valeurs qui font la grandeur de leur métier refusent de se laisser entraîner dans le sordide.
Peux-tu nous raconter les déboires que tu as eus avec les « services » pour te faire accréditer comme correspondant de la presse étrangère, le Figaro notamment ?
J'ai déposé un premier dossier en 1995 comme correspondant de Libre Belgique. Il est resté sans suite. Interrogé par le directeur du journal sur le motif de ce blocage, un diplomate de l'ambassade d'Algérie à Bruxelles répondra : « M. Aït Larbi n'a pas été accrédité parce qu'il appartient à une organisation extrémiste clandestine ! » Une accusation d'une extrême gravité que le préposé à la délation, actuellement ambassadeur dans un pays d'Afrique, refusera toutefois de confirmer par écrit. En 1996, je dépose un autre dossier au nom du Figaro. Le fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères en charge des accréditations m'informe qu'une éventuelle réponse positive était subordonnée à une « entretien amical » avec un certain commandant Fawzi, dont il se proposait de me remettre le numéro de téléphone pour « convenir d'un rendez-vous et prendre un café ».
Pour avoir refusé de me soumettre à cette curieuse procédure qui n'est prévue par aucun texte de loi, mon dossier restera bloqué. Le même sort sera réservé à deux nouvelles demandes, en 1998 et en 2003. Je dois reconnaître toutefois que, même sans accréditation, je travaille toujours librement, sans subir une quelconque pression des autorités. Cela dit, si une carte d'accréditation facilite le contact entre le journaliste et les officiels, elle ne saurait être considérée comme une autorisation d'écrire.
Il se dit aussi que le colonel Fawzi détient le pouvoir de vie ou de mort sur de nombreux titres de la presse... Que pour obtenir le précieux sésame pour lancer une publication, il fallait rentrer au préalable dans les bonnes grâces du colonel.
En février 2005, j'ai déposé auprès du procureur de Hussein Dey un dossier pour la création d'un hebdomadaire. Première entorse à la loi, le magistrat a refusé de me délivrer le récépissé prévu par le code de l'information. Depuis cinq ans, je suis ballotté entre le ministère de la Justice et celui de la Communication. On a même refusé de me notifier une réponse négative pour me permettre de faire valoir mes droits devant le Conseil d'Etat. L'année dernière, plusieurs nouveaux journaux ont été autorisés à paraître, sauf le mien. Il y a quelques mois, j'ai eu le fin mot de l'histoire. Des fonctionnaires des ministères de la Justice comme de la Communication m'ont avoué que mon cas les dépassait, avant de me conseiller de voir le colonel Fawzi qui, selon eux, est le seul à pouvoir débloquer mon dossier. Je ne connais pas ce colonel et je n'ai aucune raison de me soumettre à une démarche qui n'est prévue par aucun texte de loi. Je m'interroge toutefois sur le mobile de cet acharnement.


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