William Klein filme, en 1969, le premier Festival culturel panafricain d'Alger. De la musique, de l'engagement, de l'euphorie… Le cinéaste a su capter toute une époque, un idéal. Un film pour la mémoire, une ode pour l'Algérie plurielle. C'était un temps que les moins de quarante ans ne peuvent pas connaître. L'Algérie était debout, fière, accueillante, ouverte sur le monde. Dans les rues d'Alger, Che Guevara, Eldridge Cleaver, Miriam Makeba… L'Algérien ne rêvait pas d'exil, il était « du bon côté de la Méditerranée ». L'Algérie a eu son Woodstock, sans les hallucinogènes. En 1969, le Panaf'. Le monde s'est donné rendez-vous à Alger, capitale de tous les révolutionnaires. Et pour fixer ce moment à jamais, un certain William Klein. Un esthète amoureux. L'émotion déborde de l'écran. Le contexte d'abord. « Dans l'euphorie de l'indépendance recouvrée, l'Algérie avait décidé en 1969 d'accueillir le premier festival culturel panafricain. Personne ne pensait à l'époque que cet événement allait connaître un tel retentissement, ni qu'il puisse être renouvelé dans le temps. Sur ces deux points, les gentils fous qui s'étaient lancés dans cette périlleuse aventure se sont bien trompés. L'afflux des révolutionnaires de tout poil et de tous horizons a vite fait de ce rassemblement bon enfant une ‘‘success story'' sans précédent dans les pays du Sud. C'était l'époque de Woodstock et des grandes messes de gauche. En ce temps-là, Eldridge Cleaver, le chef des Black Panthers, avait trouvé refuge à Alger, Rod Stewart chantait Air Algiers et tous les cinéastes se bousculaient à la cinémathèque algérienne pour acquérir le label « Tiers-Monde », rubrique ‘‘non-aligné'' », se remémore Ahmed Bedjaoui. Et l'on devient tous, grâce à l'objectif de William Klein, amoureux de cette Algérie-là, nostalgiques d'une période révolue, que l'on n'a pas connue. Le passé ne passe pas, il se fait présent arrogant. Peut-on refaire ça ? Revivre cette euphorie collective ? Non, et selon Ahmed Bedjaoui, le coupable c'est William Klein : « Si Klein n'était pas venu poser son objectif en conjuguant l'événement et l'époque, tout aurait été possible. Mais voilà William Klein est passé par là. » On ne lui en veut pas. Le panaf' remasterisé La caméra est fatalement subjective. Parfois, le sujet devient acteur, outrepasse l'instant. On en sort résolument optimiste, avec une pointe de jalousie contre nos aînés. La version remasterisée donne une nouvelle vie au film. « La qualité de l'image est incomparable par rapport au premier. D'autre part, dans la première version je voulais tout montrer. Certains révolutionnaires africains menaçaient de saboter mon film si je ne les diffusais pas. Je les aurais diffusés de toute façon. Aujourd'hui, on a refait le montage pour que le film soit plus lisible », témoigne William Klein dans la presse. Et si ce mouvement s'amplifie ? Et si l'Algérie se dote d'une politique volontariste pour la réappropriation de son histoire, de son patrimoine ? Elle a tout à y gagner. Elle battrait en brèche l'image d'un pays en proie au doute qui ne se retrouve dans les journaux télévisés que lors d'épisodes douloureux. Le passé a de l'avenir. Coffret de 2 DVD. Festival panafricain d'Alger et Eldridge Cleaver, Black Panther, Arte Vidéo.