L'offensive de tout ce qui est «autorité publique» pour vendre l'option du 5e mandat à l'opinion est globale. Un envahissement de terrain qui décide d'autorité de l'issue de la partie. Aucun espace d'action ou d'expression – et Dieu sait que le «pouvoir» est outrageusement pourvu en la matière – n'est de trop pour marteler la chance que le pays a d'être encore gouverné par Bouteflika et le suprême privilège dont il peut encore jouir de le voir «se sacrifier» en se portant de nouveau candidat. La loi, a décrété Ouyahia, n'interdit pas de campagne «politique» avant les délais légaux qui lui sont impartis ; pas même qu'elle impose que son champion mène himself la campagne… Et les partisans de Bouteflika y sont allés, bien avant que le candidat n'énonce solennellement ses intentions. A partir d'Addis-Abeba où il a été mandaté par l'Etat pour le représenter au sommet de l'UA, le Premier ministre ne s'est pas empêché de statuer que le peuple algérien était heureux de recevoir la bénédiction qu'est le message de candidature de l'actuel Président. Peu importe donc en la circonstance la considération due aux usages qui commandent l'expression d'un haut commis de l'Etat en déplacement à l'étranger, et à l'obligation d'impartialité, même formelle, attendue d'un premier responsable de l'Exécutif en période pré-electorale. Les ministres, qui mènent d'ailleurs campagne à plein temps même en hors-saison électorale, redoublent maintenant de férocité. Les programmes de leurs sorties sont réglés sur l'objectif de mettre en valeur le bilan de l'homme providentiel que le pays a eu la bénédiction d'avoir comme leader depuis plus de vingt ans. Et le haut commandement de l'armée, dont les poings se serrent pourtant dès qu'est suggéré son rôle dans les affaires politiques, vient de se mettre de la partie. L'armée est aujourd'hui puissante parce que Bouteflika a présidé à son renforcement et sa structuration, a fait noter le vice-ministre de la Défense et chef d'état-major de l'armée, Ahmad Gaïd Salah. L'institution qu'il commande promet pourtant la geôle, les militaires en retraite qui s'aviseraient d'avoir un point de vue sur la vie politique. Il est aisé de comprendre qu'après ce chorus au sommet, point n'est besoin d'émettre des orientations aux walis, chefs de daîra et autres commis de la base pour les amener à choisir leur camp dans la compétition et faire le nécessaire pour que le dessein commandé ne soit pas importuné par quelque impertinent outsider. Ce déploiement massif, qui ira sans doute crescendo d'ici le 18 avril prochain, n'est certes pas le premier dans le genre, puisque le scénario s'est déjà joué lors des précédentes échéances présidentielles. Cette fois cependant, les soutiens de Bouteflika devraient se surpasser et renoncer jusqu'à ce minimum syndical dans le respect des formes et de l'éthique politiques. L'on ne sera pas à une entorse près de toute façon, la mère des entorses étant cet état de santé pour le moins dégradé que le monde entier connaît au vieil homme qui se représente aujourd'hui pour un 5e quinquennat. Condamnés à la surenchère et au zèle pour noyer les expressions du rejet généralisé du 5e mandat, les partisans sont décidés à convoquer l'Etat tout entier dans ce passage en force, moins pour convaincre une Algérie qu'ils savent pertinemment irrécupérable sur le sujet, que pour impressionner, intimider et justifier demain des scores surréalistes pour un candidat qui n'aura pas fait campagne, ni réellement gouverné durant le dernier mandat. Une gageure qui peut s'avérer désastreuse pour le pays qui aura scellé, à l'occasion, l'abandon de tout espoir en un changement par les urnes ; un changement sans confrontation ouverte avec le «Système».