Que l'on est loin et même très loin du climat de large satisfaction affichée au lendemain de la signature, en avril 2002, de l'Accord d'association liant l'Algérie et l'Union européenne (UE). « On perd une économie obsolète », disait alors un haut responsable. Quant au ministre des Affaires étrangères de l'époque, il déclarait qu'« il était convaincu que la protection du produit national n'aurait pas servi à grand-chose. Ce serait en quelque sorte une prime à la médiocrité et la stagnation », ce qui n'empêchera pas Abdelaziz Belkhadem de dire plus tard que « l'Algérie n'était pas pressée de ratifier l'accord » en question. Celui-ci sera ratifié et entrera en vigueur en 2005, malgré cette précaution qui ne sera pas de style, comme le révéleront plus tard les critiques algériennes. Et jeudi, le ministre des Finances a tenu tout simplement des propos sentencieux. Karim Djoudi n'a pas annoncé la mort de cet accord, mais le bilan qu'il en dresse n'est pas loin de l'échec si ce n'est déjà le cas. « Je considère, après près de cinq années d'application de l'accord, que les flux d'investissements européens sont en deçà des attentes de l'Algérie, en particulier ceux destinés à promouvoir la diversification de son économie et de ses exportations alors que cet accord a pour objectif de bâtir une relation globale et un partenariat gagnant-gagnant devant se traduire, notamment par l'accroissement des investissements directs européens en Algérie », a ainsi déclaré le ministre dans un discours prononcé dans le cadre solennel du Forum de Crans Montana à Bruxelles. N'hésitant pas à appuyer ses propos par des statistiques fines, le ministre révélera à cet égard que « le démantèlement tarifaire retenu dans l'accord d'association s'est traduit au plan du budget de l'Etat par un manque à gagner évalué à 2,2 milliards de dollars, et cela en contexte de forte sollicitation de la ressource publique pour la couverture financière du budget de l'Etat ». Et ce manque à gagner passerait, selon lui, à 3,5 milliards de dollars d'ici 2017, soit à la fin du processus de démantèlement tarifaire. Pour le ministre algérien, la conclusion est simple : « C'est moins de ressources fiscales, peu d'investissements, peu d'exportations hors hydrocarbures et une économie qui pourrait privilégier l'acte de commercer à celui de produire ». Ce qui n'était nullement envisagé, surtout que l'on parle de partenariat et de prospérité partagée, ce qui veut dire à chances égales, ou encore un processus gagnant-gagnant. Les Algériens étaient conscients du manque à gagner lié au démantèlement des barrières douanières, même si en face, la machine économique européenne était redoutable. En d'autres termes, les Algériens avaient pris toute la mesure du risque, mais ils tablaient sur ces fameux IDE (investissements directs étrangers). Des rapports d'étape étaient établis périodiquement par « le Conseil d'association », et déjà l'Algérie mettait en garde contre ce déséquilibre, tout en se montrant disponible à trouver avec des partenaires européens les moyens de « progresser davantage et de réaliser la coopération » à laquelle aspirent les deux parties. Sauf que maintenant, la situation n'a pas été redressée, ou encore que « les exportations hors hydrocarbures demeurent très marginales et sont souvent soumises à des obstacles non tarifaires », a rappelé M. Djoudi comme pour bien boucler la boucle. Depuis quelques années, un tel constat, ou encore une telle synthèse devenait une évidence, au regard de tout ce qui a été dit sur l'accord d'association. Il a souvent été question d'ajustements, mais visiblement, rien n'a été fait. Quel avenir alors pour l'accord d'association Algérie-UE ?