L'Algérie et l'Union européenne (UE) ont procédé, hier au Luxembourg, à une évaluation de l'accord d'association qui les lie depuis le mois d'avril 2002. La procédure a eu lieu dans le cadre du Conseil d'association, plus haute instance chargée de la gestion de l'accord d'association entre Algérie et l'UE. Une sorte d'observateur qui se réunit régulièrement pour apporter certains ajustements à cet accord vivement salué lors de sa conclusion et qui se trouve aujourd'hui l'objet de sévères critiques. Avec cet accord, disait un ministre, « on perd une économie obsolète ». Peu avant la signature de cet accord, un autre haut responsable relevait déjà que les conséquences « de l'accompagnement tarifaire (…) vont être terribles sinon catastrophiques ». Revenant sur cette question, Abdelaziz Belkhadem, alors ministre des Affaires étrangères, et qui à ce titre a bouclé la série de négociations, se déclarait « convaincu que la protection du produit national n'aurait pas servi à grand-chose. Ce serait en quelque sorte une prime à la médiocrité et à la stagnation ». Il déclarera plus tard que « l'Algérie n'est pas pressée de ratifier l'accord » en question. Pour ces mêmes raisons. On se rend alors compte à quel point les questions soulevées actuellement n'ont absolument rien de nouveau. Ce qui supposait que l'Algérie allait en finir et qu'il y avait donc un plan de modernisation de l'économie. D'ailleurs, c'était cela à l'époque, et d'une certaine manière l'obligation faite à l'Algérie de moderniser son économie basée sur une stratégie, à partir du jour où elle s'est engagée dans la négociation en vue de la conclusion de l'accord d'association. Les négociateurs algériens ont clairement fait comprendre le manque à gagner qui découlera du démantèlement des barrières douanières. Mais le risque était aussi réel pour une économie peu performante et qui ne pouvait se suffire d'une simple mise à niveau que l'on avait du mal d'ailleurs à définir. Parce qu'en face, la machine économique européenne était tout simplement redoutable. Il est vrai qu'à la date de leur lancement, en 1994, des pays de la région méridionale avaient déjà bouclé ce cycle, dans la précipitation parfois, puisque l'on assiste à des velléités de rouvrir le dossier, et l'Algérie entendait profiter pleinement de ce qui tenait alors lieu de précédent. C'est d'ailleurs, ce qui a fait durer les négociations. Et comme le prouvent les chiffres du commerce extérieur, le pétrole et le gaz en constituent l'essentiel. Ce qui renseigne sur l'état de l'économie nationale. Inévitablement, le bilan n'est guère réjouissant. En termes de chiffres d'abord – et cela était attendu, puisque doit intervenir le démantèlement des barrières douanières – le manque à gagner pour les Douanes algériennes depuis 2005 dépasse le milliard de dollars. Et en ce sens inverse, on assiste à un boom des importations en provenance d'Europe, sans l'accompagnement attendu, c'est-à-dire les fameux IDE (investissements directs étrangers), dont le flux est jugé décevant de ce côté de la mer Méditerranée. Et cela sans parler de la question relative à la circulation des personnes que l'Algérie avait mise en avant dès la deuxième conférence ministérielle euroméditerranéenne, qui s'est tenue à La Valette en 1997. Une réunion qui s'était terminée dans une certaine confusion, l'Europe refusant de céder sur cette question. Et d'ailleurs le communiqué final élaboré plus tard à Bruxelles n'en sera en aucun cas le reflet. Et pourtant, dira-t-on, l'accord en question en parle explicitement, puisqu'il se propose de « favoriser les échanges humains, notamment dans le cadre des procédures administratives ». A ce sujet, les Algériens ne se contenteront pas seulement de critiquer ce blocage, mais ils ne manquent pas aussi de relever les différences de procédure entre pays européens supposés appliquer les mêmes règles, ou encore que des Etats membres de l'UE représentés en Algérie n'ont pas de structures devant traiter cette question. æC'est à cette évaluation qu'a procédé la 4e réunion du Conseil d'association, et chaque partie, ne cesse-t-on de relever, ne manque pas d'arguments. Ainsi en est-il de l'Algérie décidée à faire, avec ses partenaires européens, une « évaluation sérieuse » en vue de trouver les moyens qui permettent aux deux parties de « progresser davantage et de réaliser la coopération » à laquelle elles aspirent. C'est le sens même de l'accord d'association, même si des prolongements politiques comme la concertation érigée en règle sur des sujets dits d'intérêt commun existent ou sont tout simplement souhaités. Dans sa démarche hier, avec le partenaire européen, elle a particulièrement insisté sur la relance d'une coopération commerciale bilatérale équilibrée, demandant à l'UE « plus d'efforts » en matière d'investissements. Pour sa part, l'UE, on le sait déjà, a dévoilé ce qui tient lieu de stratégie. Il y a quelques années, elle se plaignait du « manque de visibilité », autrement dit de l'absence de politique économique. Et depuis peu, elle dit et avec beaucoup d'insistance sa « préoccupation » quant aux dernières mesures relatives à l'investissement et au commerce extérieur. Nombre de diplomates d'Etats membres s'en sont fait les porte-parole. Chaque partie a préparé ses arguments, et les Algériens se rendent compte à quel point l'accord avec l'Europe n'est pas inattaquable, puisqu'on ne retrouve pas les rapports équilibrés qu'il envisage, les investissements touchant davantage la sphère commerciale. Et puis il y a ce fameux volet humain, où il est difficile d'arrondir les angles contrairement à d'autres points. Des ajustements, alors, et de quelle nature ?