Est-ce le début de la fin du soutien sans réserve des Etats-Unis au clan Moubarak ? La question mérite d'être posée, même si l'Administration américaine nous a habitués à sa géopolitique variable qui tient compte de ses intérêts immédiats. Il semble, en effet, que le soutien à toute épreuve à la dictature de Moubarak commence à devenir encombrant pour le président Obama. Signe peut-être de ce changement de cap, les Etats-Unis ont fait part mercredi de leur « préoccupation » après des arrestations de militants politiques en Egypte. Mais pas seulement, le département d'Etat a demandé expressément au Caire de respecter la liberté d'expression. « Nous sommes très préoccupés ?par ?les ?arrestations d'Egyptiens sous le régime de l'état d'urgence. Le gouvernement de l'Egypte doit faire respecter les droits de tous à exprimer pacifiquement leurs opinions politiques », a déclaré le porte-parole du département de Mme Clinton, Philip Crowley. On est loin des petites remarques sympathiques à l'endroit d'un allié pour le meilleur et contre le pire. L'Administration Obama a adopté cette fois-ci un discours « hard » qui tranche avec les méthodes de « gangster » de Bush, peu soucieux de défendre les idéaux démocratiques en nos contrées. « Les Egyptiens doivent pouvoir participer au processus politique, et finalement déterminer qui gouvernera l'Egypte après les élections », souligne le département d'Etat. Les Etats-Unis viennent incontestablement de mettre les pieds dans le plat égyptien. En creux, Washington appuierait ainsi le processus de « libération » de l'Egypte des mains du « Raïs » qui se cristallise autour de l'ex-patron de l'AIEA, Mohamed El Baradei, candidat potentiel à la présidentielle 2011. En tout cas, le clan Moubarak n'est pas habitué à recevoir une telle salve depuis Washington. On le devine d'autant plus à travers la levée de boucliers que « le crime de lèse- Moubarak » a provoqué chez l'entourage du maître du Caire. Le « Raïs » indésirable Les autorités égyptiennes ont en effet accusé hier les Etats-Unis d'« ingérence » dans les affaires intérieures du pays. « L'Egypte trouve inacceptable et injustifié le communiqué du département d'Etat évoquant ces arrestations », a réagi un porte-parole des Affaires étrangères égyptiennes, qualifiant la prise de position américaine d'« ingérence dans les affaires intérieures égyptiennes ». Ces échanges pas trop « sympathiques » entre le Caire et Washington ne sont certes pas une crise, mais cela y ressemble… Au moins 33 manifestants liés au groupe du 6 Avril, un mouvement de jeunes Egyptiens qui milite pour des amendements à la Constitution et la levée de l'état d'urgence, ont été arrêtés mardi, puis libérés le lendemain. Au-delà du caractère légitime de leurs revendications dans un pays qui vit depuis 30 ans sous état d'urgence, les manifestants voulaient apporter de l'eau au moulin d'El Baradei qui en fait son programme de pré-campagne. L'objectif étant de faire sauter les verrous constitutionnels dressés par Moubarak contre toute tentative de rendre le pouvoir au peuple. Au pouvoir depuis 30 ans, le « Raïs » égyptien qui vient de subir une ablation de la vésicule biliaire à 81 ans, voudrait rempiler « à mort » pour un mandat de trop ou alors faire hériter le trône à son fils Gamal. Or, la majorité des Egyptiens ne veut ni du père ni de son fils en 2011. Et Washington semble apparemment avoir bien compris l'équation.