C'est sans doute l'un des résultats les plus palpables de la tournée maghrébine de la secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice. Le plan d'autonomie comme solution de règlement du conflit du Sahara occidental semble de plus en plus difficile, voire impossible à défendre pour les « amis » américains. Ce changement de ton de Washington à l'égard du dossier sahraoui a été décliné par Condoleezza Rice à Rabat même sous forme d'un glissement sémantique qui n'a rien à voir avec la rhétorique américaine d'il y a quelques mois. Une rhétorique qui couvrait le plan d'autonomie de Sa Majesté de « crédibilité et de sérieux ». Mais coup de théâtre cette fois, la secrétaire d'Etat américaine a dû choquer tout son monde à Rabat en répondant : « Ce que nous cherchons, c'est un règlement mutuellement acceptable de ce problème. Il est temps qu'il soit réglé. » Voilà qui tranche royalement avec la position US en vigueur depuis au moins deux années sur le dossier sahraoui et qui consistait à soutenir le plan marocain et à plaider le caractère « irréaliste » d'un référendum d'autodétermination. Autres temps, autres mœurs, l'Administration américaine, qui fait face à d'autres enjeux géopolitiques dans la région autrement plus menaçants pour la stabilité, semble avoir largué une cause – marocaine – qui ne tient pas la route, ne serait-ce qu'en vertu du droit international. La nébuleuse Al Qaïda, qui s'est installée durablement dans la région sahélo-saharienne, où elle se signale assez souvent par des attentats spectaculaires, dicte à l'oncle Sam de revoir la hiérarchie de ses priorités. Il est en effet mal à propos de réclamer d'un pays comme l'Algérie d'être un bras armé des Etats-Unis dans la lutte contre les éléments d'Al Qaïda dans la région et d'ignorer dans le même temps son souci de régler la question sahraouie conformément à la légalité internationale à laquelle s'attache logiquement Alger. Washington a donc constaté que son soutien au plan d'autonomie n'a fait que renforcer le statu quo dans la région et la permanence des rancœurs et des rancunes entres deux pays – Maroc et Algérie – censés faire bloc contre le terrorisme suivant les plans du Pentagone ou, qui sait, de l'Africom…C'est pourquoi les Etats-Unis ont préféré amorcer un retour à la voie de la sagesse en application des résolutions des Nations unies. Retour royal... de la sagesse Mme Rice a pour ce faire annoncé que son pays va « soutenir une nouvelle médiation de l'ONU sur le conflit du Sahara occidental » au cours d'une conférence de presse commune avec son homologue marocain Taïeb Fass-Fihri. Autre signe de ce changement de ton, la secrétaire d'Etat américaine a affirmé qu'« il est temps que le conflit sahraoui soit résolu ». Autrement dit, l'impasse entre un illusoire plan d'autonomie et l'exigence d'un référendum d'autodétermination qui s'éloignait comme l'Arlésienne a dicté aux USA une autre conduite à tenir. C'est pour cela que Mme Rice évoque « une nouvelle série de négociations que nous allons soutenir ». Elle est en plus convaincue qu'« il y a des moyens d'aller de l'avant ». La brouille algéro-marocaine a visiblement trop duré aux yeux de Condoleezza Rice qui dit être « venue chercher les moyens par lesquels ils (les Etats-Unis) pouvaient aider les pays de la région à avoir une approche plus unie face aux défis auxquels ils sont confrontés ». En l'occurrence, elle a invité ces pays à « partager les informations ». « Il est clair qu'il y a des problèmes de terrorisme et qu'il faut une coopération antiterroriste entre les partenaires de la région, entre les pays de la région et avec les Etats-Unis », a-t-elle déclaré dimanche à Rabat. C'est dans cette veine qu'elle a annoncé sa participation, à la fin du mois à New York, en marge de l'Assemblée générale des Nations unies, à une réunion des ministres des Affaires étrangères de l'UMA. Tout compte fait, tout porte à croire que « le sérieux et la crédibilité » du plan d'autonomie de Sa Majesté ont vécu, selon Washington. Place maintenant à la realpolitik. Le fait que le roi Mohammed VI ait pris ses distances à l'égard de Condoleezza Rice, en s'éloignant à Oujda, dénote ce malaise du royaume de voir les Etats-Unis siffler la fin de la récréation dans ce dossier.