Alors que le pouvoir algérien tente de minorer l'entendue des manifestations en Algérie et en Europe contre le 5e mandat de Bouteflika, la presse mondiale n'a jamais consacré autant d'articles et de contenus vidéo pour évoquer la crise politique que traverse ce pays. Le Figaro, qui a déjà publié plusieurs articles sur l'Algérie, a titré son édition de vendredi «La contestation s'intensifie contre le pouvoir». Le directeur adjoint de la rédaction, a écrit : «Jusqu'à présent, c'était Bouteflika ou le chaos». Les candidatures à répétition d'un président de moins en moins alerte étaient présentées comme un moindre mal. Un rempart contre un retour aux années de plomb de la violence islamiste. Ce discours pétrifié a fini par lasser. La perspective d'un 5e et surréaliste mandat du président fantôme a réveillé la rue. Désormais, ce pourrait être «Bouteflika et le chaos». Le Quotidien, classé à droite, a également donné la parole à l'écrivain algérien Boualem Sansal qui a estimé que les «jeunes exècrent le régime, mais l'Algérie a peur d'une autre guerre civile». Tout en ajoutant que «nul ne peut prédire jusqu'où ira ce ”printemps algérien”», Le Figaro a fait part des inquiétudes de l'Elysée qui craint qu'un «basculement algérien dans l'abîme pourrait provoquer une vague d'immigration et des tensions dans la communauté d'origine algérienne en France». C'est pour cela que «le dossier algérien se manie comme une bouteille de nitroglycérine», a relevé ce journal. Le dossier Algérie, priorité absolue de l'Elysée ? De son côté, Le Parisien, journal populaire assez lu par les Algériens de France, a interrogé l'écrivain Yasmina Khadra. Ce dernier a déclaré que le «peuple peut changer les choses». A la question : «Pourquoi le régime n'a-t-il pas organisé la succession de Bouteflika ?» L'écrivain a répondu : «Parce que tout repose sur Bouteflika, que beaucoup de gens aiment toujours. C'est le talisman de ce régime, car il a une légitimité historique. Les gens du clan autour de lui sont, eux, vomis par le peuple algérien. Ils ont atteint un tel niveau de stupidité qu'ils ne savent même plus ce qu'ils disent. Il faut les écouter débiter des âneries quand ils sont sur des tribunes». Pour le journal Le Monde, les autorités françaises ne savent pas comment réagir face ce qui se passe en Algérie. Le journal du soir a écrit : «Le dossier est priorité absolue (pour l'Elysée, ndlr), mais la France craint d'être accusée de soutien au régime si elle se tait et d'interférence si elle prend position». Citant un haut responsable français, ce dernier a déclaré : «On sait que tout ce que l'on dira sera scruté à la loupe et surinterprété». Le journal a rappelé la position de la France annoncée récemment par le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, dans laquelle il avait dit que «c'est au peuple algérien et à lui seul qu'il revient de choisir ses dirigeants». «Un président invalide, pathétique» En Europe, pour La Libre Belgique, le pouvoir algérien «pourrait préférer sauvegarder le régime». Ce quotidien très lu par les cadres de l'Union européenne a estimé que «le mouvement de contestation du pouvoir, inédit depuis des années, a gagné en dramatisation dimanche drnier avec le départ du président pour la Suisse, où il subit dans un hôpital de Genève une série d'examens censés rassurer l'opinion publique sur ses capacités à gouverner l'Algérie». Idem pour le journal Le Soir belge qui a consacré un long article sur le rassemblement des journalistes jeudi dernier. Un sit-in qui a été réprimé par les forces de l'ordre qui ont arrêté plusieurs professionnels de la presse. Bien avant jeudi, le quotidien belge a également parlé de la mobilisation contre «Boutef». Tout en se demandant «serait-ce un mandat de trop ? Le Soir répond en écrivant «que celui (Bouteflika, ndlr) que l'armée a porté au pouvoir n'est plus qu'un invalide pathétique et peu croient qu'il dirige encore le pays». Pour La Tribune de Genève qui a fait parler le chercheur et politologue Hasni Abidi, «si Bouteflika est admis à l'hôpital universitaire de Genève (HUG), c'est que son état de santé est problèmatique». Le même chercheur a estimé que «si la pression s'accentue, il sera très difficile pour le pouvoir (algérien, ndlr) de maintenir le statu quo». Le New York Times a également consacré un long article sur les manifestations d'hier. Le prestigieux quotidien américain avait fait un avant-papier dans lequel il décrivait l'incroyable déploiement des forces de l'ordre à l'occasion de la marche d'hier, vendredi. Enfin, le journal communiste L'Humanité a publié sur sa Une une photo d'Algériens mobilisés contre le 5e mandat en y ajoutant un mot écrit en arabe «karama», qui veut dire «dignité».