Les sponsors politiques de Bouteflika – et du 4e mandat imposé aux Algériens dans les conditions que l'on sait – ne reculent décidément devant rien pour tenter de vendre l'invendable, de transformer un échec patent en succès éclatant. En ce premier anniversaire d'un nouveau bail de 5 ans atypique à tous points de vue, à défaut de convaincre et de leurrer à l'intérieur du pays une opinion désabusée par toutes les promesses électorales inabouties, le pouvoir s'en est allé, dans le plus pur style des années de plomb, mobiliser sa machine de propagande en achetant des pages entières d'un journal français de droite, Le Figaro. Un journal connu, de surcroît, pour ses positions hostiles à l'Algérie sur les grands dossiers stratégiques algéro-français objets de contentieux entre l'Algérie et la France, mais aussi pour tout le «bien» qu'il pense du régime algérien. Un journal gouvernemental algérien n'aurait pas fait mieux en termes de logorrhées laudatrices. L'an I du 4e mandat est décliné à travers une suite d'articles sur mesure dédiés aux «réalisations» de la gouvernance de Bouteflika que les Algériens n'ont pas perçues dans leur quotidien. Presque tous les ministres du gouvernement se sont succédé dans les colonnes du journal pour les besoins de cette opération de marketing politique pour le moins grotesque pour que la mariée ne soit que plus belle. Et ce n'est pas le ministre de la Communication, Hamid Grine, qui s'offusquera de ce détournement scandaleux de l'argent du Trésor public, en devises sonnantes et trébuchantes, pour rafistoler la devanture en pleine décrépitude du pouvoir. Lui qui s'est érigé en donneur de leçons sur les principes de l'éthique et du professionnalisme dans les supports médias en cherchant à faire jouer à la publicité un rôle qui n'est pas le sien. Il est symptomatique de constater que, dans cette conjoncture aussi cruciale, où le pouvoir affaibli politiquement et à travers un bilan-boulet lourd à porter et à défendre, ce premier anniversaire, qui devrait être un moment de grande mobilisation autour du chef, n'a pas donné lieu à des manifestations de soutien au programme présidentiel encadrées par les partis et les associations proches du pouvoir. La confusion régnant au sommet de l'Etat a poussé tout ce monde à l'attentisme et à la prudence. Les médias publics ayant perdu leur crédibilité depuis longtemps et les journaux et télévisions privés qui se sont mis au service du pouvoir ont montré leur amateurisme et leur incompétence à servir de relais de propagande au système, ne restait plus alors au pouvoir que les témoignages extérieurs, démarchés à coups d'articles rondement payés. Le choix du Figaro, préféré à des supports traditionnels comme Jeune Afrique ou Afrique Asie, n'est pas anodin. Se faire encenser par un canard qui n'a pas de sympathie pour le pouvoir passe mieux, pense-t-on. L'argent, par ces temps de crise, n'a pas d'odeur ni d'idéologie. C'est une lecture parmi tant d'autres de cette campagne médiatique hexagonale à la gloire de Bouteflika. Le message pourrait également être destiné à l'extérieur, à la classe politique française et aux investisseurs étrangers. Sauf que, à l'ère de la médiatisation des câbles diplomatiques, il serait naïf de croire qu'il est possible, par la grâce d'un article de presse, aussi élogieux soit-il, de se placer à l'international si on ne dispose pas de solides arguments.