La mort, hier, du président de la Pologne, Lech Kaczynski, dans un accident d'avion dans la région de Smolensk en Russie ainsi que celle des principaux chefs de l'armée et de nombreux responsables plongent ce pays dans une crise politique et institutionnelle. Passé l'émoi de la tragédie, le gouvernement s'est réuni en urgence dans l'après-midi pour arrêter la marche à suivre et rassurer la population. Le Premier ministre, Donald Tusk, a appelé les Polonais à « garder une attitude digne d'un temps de deuil national », sans donner de détails sur les discussions qu'il venait de mener. Il a annoncé qu'il se rendait dans la région de Smolensk, où a eu lieu la catastrophe aérienne, et qu'une autre réunion serait organisée à son retour. Aucun vide institutionnel n'est cependant à craindre, la Constitution prévoyant une présidence intérimaire qui est assurée par le chef du Parlement, Bronislaw Komorowski, ainsi qu'un calendrier indicatif pour l'organisation de l'élection présidentielle. M. Komorowski dispose d'un délai de 14 jours pour fixer la date de l'élection anticipée « en choisissant un jour férié dans les 60 jours à compter de la date de l'annonce du scrutin ». L'élection présidentielle régulière était prévue en Pologne en octobre. Elle aurait probablement opposé le conservateur Lech Kaczynski à M. Komorowski, candidat officiel du parti libéral Plateforme civique (PO) de M. Tusk. L'état-major de l'armée polonaise s'est aussi réuni hier. « Face à cette situation de crise, il prendra les décisions appropriées », s'est borné à déclarer un porte-parole de l'état-major, Dariusz Niedzielski, cité par l'agence PAP. Parmi les 88 noms des passagers du vol officiel d'hier, figurent ceux du général Franciszek Gagor, chef d'état-major, et du général Bronislaw Kwiatkowski, chef des forces opérationnelles de la Pologne, pays membre de l'Otan. L'accident a décimé le pouvoir et l'opposition Les généraux Tadeusz Buk, chef de l'armée de terre, Andrzej Blasik, chef de l'armée de l'air, et Wojciech Potasinki, chef des forces spéciales, se trouvent aussi parmi les victimes, ainsi que le vice-amiral Andrzej Karweta, commandant en chef de la marine de guerre. « Un changement de générations interviendra dans l'armée polonais. C'est un processus qui a déjà commencé, mais le sort le fait se précipiter », a déclaré la politologue Lena Kolarska Bobinska. Le président de la Banque centrale, Slawomir Skrzypek, a également péri dans l'accident. « La Banque centrale de Pologne fonctionne et remplit normalement toutes les tâches prévues par la loi », a indiqué la banque dans un communiqué. Sur le front politique, « l'issue de la présidentielle semble certaine : deux importants candidats, des deux principaux partis d'opposition ont péri dans cet accident », a noté la politologue, dans une allusion à Lech Kaczynski, candidat virtuel du parti conservateur Droit et Justice et à Jerzy Szmajdzinski, candidat officiel de l'Alliance de la gauche démocratique (SLD). « La campagne présidentielle sera calme et silencieuse, sans conflit », prédit Mme Kolarska Bobinska, soulignant que le parti PiS (Droit et Justice) de M. Kaczynski, qui a perdu plusieurs personnalités-clés dans l'accident, « aura du mal à s'en remettre ». « C'est aussi un coup terrible personnel pour le président de ce parti », Jaroslaw Kaczynski, frère jumeau du président décédé. Le président polonais était accompagné de son épouse et d'une importante délégation pour rendre hommage à la mémoire de 22 000 officiers polonais, tués il y a 70 ans par la police secrète de Staline. Ces officiers étaient l'élite du pays, propriétaires terriens, professeurs, avocats ou médecins mobilisés pendant la guerre. Le but du voyage était la forêt de Katyn près de Smolensk, devenue depuis 1940 pour les Polonais le lieu symbole de la destruction de leurs élites. Agences, Hassan Moali