Attentif et intéressé, le public nombreux a suivi samedi, l'avant-première de la pièce théâtrale présentée par la coopérative Art et culture de Sétif. La grande salle de la maison de la culture Houari Boumediène de la capitale des Hauts-Plateaux a fait ce jour-là le plein. Mettant sur le tapis un brûlot sujet d'actualité touchant de plein fouet des centaines de familles, attristées et endeuillées par ce cataclysme d'el harga (immigration clandestine), massacrant des centaines de jeunes Algériens de différentes souches de la société, elle est présentée dans une pièce théâtrale à voir absolument. Le texte de Toufik Cherbal, interprété admirablement par deux talentueux comédiens, Ancer Youcef et Toufik Mezaache, n'a pas laissé indifférente une assistance, tenue en haleine. Durant donc 75 minutes, les deux comédiens, accompagnés par une belle et expressive musique, ont, le moins que l'on puisse dire, accroché le public suivant avec un grand intérêt un débat intense et houleux à la fois. Tenu dans une île déserte, l'échange entre un jeune ayant perdu ses compagnons de fortune en plein mer et un vieux harrag décidé à tout mettre en œuvre pour exposer à son jeune interlocuteur les dangers et la face cachée de l'aventure. La discussion n'aboutit pas au grand dam du vieux qui n'a pu convaincre son vis-à-vis que l'eldorado «promis» par ces dealers de passeurs n'est que chimère. S'apparentant à une discussion de sourd-muet, l'échange entre les deux hommes tourne finalement au vinaigre. Et pour mieux cerner le problème et sensibiliser l'assistance à propos d'un problème prenant les allures d'une tragédie nationale, les concepteurs d'une aussi belle œuvre théâtrale innovent en introduisant une vidéo. Faisant office de pièce à conviction, celle-ci permet à Youcef, un jeune Mostaganémois, de raconter son amère et douloureuse expérience. Véritable miraculé, Youcef, qui a échappé de justesse à une fin tragique, relate avec des mots touchants le cauchemar vécu en haute mer où des milliers de candidats à une «vie meilleure» laissèrent leur peau. Le témoignage du rescapé a ému l'assistance restée sans voix : «L'adhésion d'un public attentif et connaisseur me comble de joie. L'extraordinaire accueil réservé à la pièce nous encourage à aller de l'avant. A travers ce travail artistique, on a essayé de démontrer que le théâtre est en mesure de sensibiliser et de conditionner l'opinion publique à propos de ce gravissime fléau», souligne le comédien Toufik Mezaache ayant, faut-il le rappeler, fait un grand chemin avec ces one man show Retard, Récréation d'un fou, La Générale, Mouuuh Dz pour ne citer que ces créations complétées par le dernier spectacle El Haribounes (Les Evadés) qui devrait faire l'objet d'une grande tournée nationale…