La mobilisation contre le 5e mandat a coïncidé avec la date du 8 Mars, et les femmes n'ont pas raté l'occasion pour sortir en masse, belles et rebelles, crier elles aussi leur ras-le-bol du pourvoir politique en place et dire non au 5e mandat. Au moins trois éléments ont caractérisé ce troisième vendredi du «hirak» populaire dans les villes de l'est du pays. D'abord, en termes de participation, il y avait, hier, au moins le double des personnes ayant manifesté le 1er mars. Ensuite, et c'est le plus beau, cette marche a coïncidé avec la date du 8 Mars, et les femmes n'ont pas raté l'occasion pour sortir en masse, belles et rebelles, crier elles aussi leur ras-le-bol du pourvoir politique en place et dire non au 5e mandat. Enfin, petite tache noire sur la carte postale, beaucoup de personnes qui incarnent le système ou du moins en sont proches se sont glissées hier parmi les manifestants pour prendre le train en marche. A Constantine, par exemple, l'actuel président de l'APW FLN, un ancien mouhafedh véreux, et des éléments de la nébuleuse de soutien à Bouteflika sont sortis manifester contre… le système ! On aura tout vu ! Dans tous les chefs-lieux de wilaya, la mobilisation a hier battu les records. On comptait des dizaines de milliers partout. Dans plusieurs villes, la barre des 100 000 manifestants a été dépassée, une marée humaine composée de toutes les couches populaires. Mais ce sont les femmes qui se sont distinguées hier. «C'est un grand moment que nous vivons aujourd'hui. Nous célébrons notre fête à notre manière. Notre journée puise ses racines dans la lutte menée par les femmes depuis des siècles pour participer à la société sur un pied d'égalité avec les hommes. Aujourd'hui, nous sommes sorties pour dire non au 5e mandat pour Bouteflika et pour dire haut et fort que la candidature du président sortant est anticonstitutionnelle», s'est exclamée une avocate de Tébessa. La révolution est une femme Le même ton est employé par des manifestantes rencontrées par El Watan sur le boulevard Souidani Boudjemaâ à Guelma. «Nous sommes fières d'être ici avec nos enfants, parmi nos époux, nos frères et nos pères, pour dire non au 5e mandat, pour dire non à la mort programmée de notre pays. Nous sommes là pour nos enfants. Ils méritent de grandir dans une Algérie qui respire la joie de vivre et non le désespoir», déclarent-elles. Elles sont sorties par milliers aux côtés de leurs époux, leurs frères, leurs enfants ou leurs collègues. «Nous sommes en train de faire tomber bien des tabous. Nous sommes en présence d'un peuple désirant la restauration de l'âme algérienne et une moralisation des pratiques politiques des dirigeants du pays. Les femmes sont avec leurs maris, fils, collègues et frères pour une révolution similaire à celle de 1954, mais avec des marches pacifiques et les outils du XXIe siècle. L'Algérie doit adopter un autre paradigme et faire en sorte de redonner du rêve et de l'espoir à nos enfants et aux millions de jeunes aspirant à une vie meilleure», a confié une universitaire rencontrée parmi les manifestants du boulevard des Ziban à Biskra. Dans la capitale des Aurès, femmes au foyer, enseignantes, médecins, étudiantes, toutes étaient présentes hier, défiant les préjugés afin d'exprimer leurs volontés de vouloir changer les choses et témoigner de leur amour pour l'Algérie. Des jeunes filles, des dames et même des grand-mères vêtues de m'laya et laâjar (tenue traditionnelle de l'Est) se sont élancées par groupes dans les rues de Batna, drapeau sur les épaules, pancartes à la main et cette expression qui sied le mieux à cette journée du 8 mars 2019 : «Car la révolution est une femme» ! Comme à Jijel où des groupes de femmes brandissaient des banderoles sur lesquelles on pouvait lire : «Nous, les descendants des hommes de Novembre, refusons ce 5e mandat», et des écriteaux portant : «Non à la prolongation, nous voulons le renouveau», ou encore «Mon pays, je suis fière d'être algérienne». Non à la récupération Le front des opposants à l'initiative suicidaire du pouvoir s'élargit aussi à cause de la participation, ce vendredi, des organisations de masse qui ont rejoint la marche en criant haut et fort leur rejet de la candidature de Bouteflika. A Mila, les organisations des moudjahidine et des enfants de chouhada ont pris le train en marche. Des membres du bureau local de l'ONM brandissaient une pancarte sur laquelle était écrit : «On veut un Président debout sur ses jambes». A Skikda aussi, des centaines de milliers de manifestants sont sortis dans une imposante marche populaire pour exprimer leur refus d'un 5e mandat de Bouteflika et aussi pour contester toute récupération partisane. En plus des pancartes portant des slogans anti-Bouteflika et son clan, d'autres ont été arborées le long de la marche, dont : «Louisa Hanoune, Makri, Leghdiri… nous ne vous laisserons pas récupérer notre mouvement» Enfin, notons que ces manifestations se sont déroulées dans une ambiance fraternelle et aucun incident n'a été signalé. La vigilance était de mise, comme à Khenchela où des volontaires se sont activés juste avant le début de la manifestation pour effectuer des fouilles le long de l'itinéraire désigné pour la manifestation, afin de sécuriser la route.