On était arrivé, depuis une vingtaine de jours, jusqu'à oublier qu'un Premier ministre avait été nommé et que Noureddine Bedoui avait toutes les peines du monde à constituer son gouvernement. Depuis dimanche dernier, c'est chose faite. Surprenant et inattendu à la fois pour l'opinion publique. D'autant plus que ces derniers jours, c'est plutôt l'armée, par la voix de son chef d'état-major et vice-ministre de la Défense nationale, qui a eu à s'exprimer sur la crise politique que traverse le pays. Et surtout à répondre, en quelque sorte, à la mobilisation populaire citoyenne qui a pris de l'ampleur depuis le 22 février, en préconisant le recours aux articles 102, 7 et 8 de la Constitution. Soit, en d'autres termes, de revenir à la Loi fondamentale, de s'en tenir à ses dispositions, après qu'elle eut été violée par la présidence sortante de Abdelaziz Bouteflika, qui a choisi, comme on le sait, d'annuler l'élection présidentielle d'avril 2019 et la prorogation du 4e mandat, ouvrant ainsi la porte à une crise politique majeure. Dès lors, on pouvait supposer que l'institution militaire entendait peser de tout son poids non seulement pour le retour à la légalité constitutionnelle dans le règlement de cette crise, mais également pour faire en sorte que les appels de la rue à un changement du système soient entendus et pris en compte. C'est du moins ce qu'a laissé entendre le général Gaïd Salah dans son intervention, faisant référence aux articles 7 et 8 de la Constitution, en rappelant que la souveraineté nationale appartient au peuple et que celui-ci l'exerce par le biais des institutions qu'il se donne. Force est de constater que le signal fort attendu s'apparente à une demi-mesure qui laisse tout le monde sur sa faim, tant que la démission de Abdelaziz Bouteflika n'aura pas été formulée et tant que le départ de tout ce qui symbolise le système n'aura pas été réellement enclenché. Reste à savoir, par ailleurs, si les enquêtes préliminaires ouvertes par le parquet d'Alger contre des hommes d'affaires pour des faits de corruption et de transfert illicite de capitaux vers l'étranger, suivies de leur interdiction de quitter le territoire national suffiront à calmer la colère de la rue. En effet, depuis le 22 février, les manifestants n'ont de cesse de dénoncer les prédateurs qui ont «dilapidé le pays». Les jours qui viennent apporteront-ils des réponses aux préoccupations des Algériens ? En tout cas, beaucoup de citoyens espèrent que leurs attentes trouveront un écho favorable avant le 28 avril.