Sétif : l'opération «mains propres» fustigée Pour le 10e vendredi, des centaines de marcheurs sont descendus dans la rue pour réitérer la revendication principale de tout un peuple, faisant du départ des symboles du régime une affaire de principe. Les manœuvres et intimidations du pouvoir ne découragent pas pour autant les manifestants criant à l'unisson : «Algériens, khaoua, khaoua» (Algériens, des frères). Soulignons que l'une des principales réclamations du mouvement du 22 février dernier, l'opération «mains propres», dévoyée, ces derniers jours, de sa trajectoire, est descendue en flammes : «En emprisonnant le capitaine de l'industrie nationale, Issad Rebrab, les "mains propres" font fausse route. Au lieu de coffrer Saïd (Bouteflika s'entend) le principal commanditaire de la fuite des capitaux vers l'étranger, de l'évasion fiscale et de la surfacturation, on porte atteinte à la probité du plus grand créateur d'emplois et de richesses du pays. Il est vrai que nous sommes tous des justiciables, mais Rebrab est victime d'une guerre de clans. On n'a pas le droit de faire d'un grand défenseur de l'économie nationale, un lampiste. Il ne faut pas être Kabyle pour apprécier et mesurer la grandeur de l'homme, qui vient de réaliser, à Sétif, un méga-complexe industriel, devant non seulement créer plus de 7000 emplois, mais exporter 90% de sa production», a déclaré à El Watan un groupe de protestataires. Kamel Beniaiche Annaba : les manifestants exigent l'arrestation de Saïd Bouteflika et Ouyahia Au 10e vendredi, la protestation populaire maintient son rythme à Annaba, où il y a eu une affluence considérable. Cependant, si l'on se fie aux contenus des slogans, les revendications ont changé de cibles, allant vers la réclamation de la tête de Saïd Bouteflika et Ahmed Ouyahia, tout en appelant au départ de Bensalah et de Bedoui. S'adressant à Ahmed Gaïd Salah, l'actuel homme fort de la République, ils ont déclaré : «Son Excellence le peuple exige l'arrestation du chef de la bande Saïd Bouteflika», «Ouyahia, on te cherche à Sidi Yahia» ou encore «Ya Bensalah machek salah akrayeh rayeh» (Eh Bensalah, tu n'es pas correct, tu vas partir tôt au tard). Et comme pour appuyer leurs revendications, d'autres ont appelé le chef d'état-major de l'ANP à confirmer son appartenance au camp du peuple : «Celui qui n'est pas avec nous est avec les autres.» M.-F. G. El Tarf : «Gaïd Salah dégage» Manifestement, il y a eu monde à la 10e marche à El Tarf. Mais moins de monde et premières scissions dans les rangs des manifestants. Il y a en effet des divergences de vues sur le jeu du vice-ministre de la Défense nationale et chef d'état-major de l'ANP, Ahmed Gaïd Salah. Les uns continuent d'accorder leur confiance à la voie tracée par l'homme qui a débarqué Bouteflika, et les autres voient en lui l'un des plus puissants tenants du régime, qui se joue des revendications populaires en invoquant soudainement son attachement à la Constitution. Pour de nombreux marcheurs à El Tarf, le travail de sape a bien opéré cette semaine. Certains y ont vu une alliance entre d'anciens militaires, qui confondent encore ANP et Gaïd Salah, et les indéfectibles des formations fidèles au pouvoir, car ce dernier est considéré comme toujours présent avec les Bedoui, Bensalah et consort. Pour ne pas déroger à la coutume, les manifestants ont emprunté l'itinéraire habituel qui va du centre-ville vers la place de l'Indépendance, qui fait face au siège de la wilaya, en empruntant le boulevard de l'évitement avec les mots d'ordre de «FLN dégage, RND dégage», «Oui pour la lutte contre la corruption», «Oui pour une justice indépendante», «Algérie libre et démocratique» et le nouveau venu, «Gaïd Salah dégage». Slim Sadki Mila : le peuple veut le démantèlement du système Les milliers de citoyens, qui ont participé à la marche d'hier à Mila, restent unanimes face à la question du départ des figures du régime Bouteflika. «Nous insistons sur le départ de tout le système», a-t-on écrit sur plus d'une banderole. La même idée est développée autrement sur d'autres supports brandis par les marcheurs : «Bensalah, dégage !» «Bedoui, dégage !» «Ghoul, dégage !» Les slogans exprimés en ce 10e vendredi se sont défaits des nuances lexicales ayant marqué les messages des semaines passées, au profit de termes plus fermes. En effet, en lieu et place de «Le peuple mandate Gaïd Salah à mettre en application l'article 7», les marcheurs ont crié haut et fort : «Le peuple est plus grand que la Constitution, il ordonne au chef d'état-major d'appliquer les articles 7 et 8». Remarquable également est l'association du nom de Louisa Hanoune aux personnalités indésirables par le hirak. «Hanoune dégage», a-t-on scandé. Le portrait de Saïd Bouteflika réapparaît dans la marche avec une inscription adressée à la justice. «Koudat, winrah rais el isaba ?» (Juges, où est passé le chef de la bande de malfaiteurs ?). Les citoyens ont exprimé, par ailleurs, leur totale adhésion à l'idée d'une présidence collégiale, constituée de personnalités nationales connues du peuple pour leur intégrité et leur patriotisme, sans que des noms aient été cités. Kamel Bouabdellah