Pour la première marche du vendredi sans Bouteflika au pouvoir et la septième depuis le 22 février, un véritable tsunami humain a déferlé hier sur Bouira. La mobilisation citoyenne demeurait intacte, et la principale revendication de la rue, à savoir le départ de tout le système et ceux qui le symbolisent, était le catalyseur de cette révolte populaire. La démission du désormais ex-chef de l'Etat, l'ingérence de l'armée et le gouvernement de Bedoui étaient au cœur des slogans, banderoles et autres pancartes brandis lors de la marche d'hier. À la lettre de Bouteflika dans laquelle il demandait pardon au peuple algérien, les manifestants ont eu une réponse toute trouvée "Ulach smah ulach" (pas de pardon). C'est d'ailleurs par ce slogan né lors des événements du Printemps noir de 2001 que la marche s'est ébranlée vers 13h20 de la place des Martyrs pour ensuite sillonner l'ensemble des quartiers de la ville sur près de 10 km. La marée humaine d'hier en avait visiblement gros sur le cœur et voulait faire passer un message on ne peut plus clair au régime en place. "Rendez-nous notre Algérie ! On ne veut plus de vous, partez-tous", était-il inscrit sur une banderole géante déployée par les marcheurs. Signe que le peuple sait ce qu'il veut et compte bien le faire savoir aux tenants du pouvoir, d'autres banderoles où on pouvait lire notamment "Vox populi, vox Dei" (voix du peuple, voix de Dieu, ndlr) et "Que la volonté du peuple soit faite". L'intervention de l'armée, plus précisément les menaces du vice-ministre de la Défense et chef d'état-major de l'ANP, le général de corps d'armée Ahmed Gaïd Salah, ont reçu un avis mitigé de la part des manifestants. En effet, une partie applaudissait sans retenue cette initiative allant même jusqu'à la qualifier de salvatrice pour le pays. "Le rôle de l'armée dans le départ de Bouteflika et son clan est incontestable et indéniable. Ils ont sauvé le pays d'un chaos certain", affirme Mohamed Attoui, responsable de la section locale de la Ligue algérienne de défense des droits de l'homme (Laddh) locale. D'autres, en revanche, y voient une tentative de la part de Gaïd Salah de prendre le pouvoir. "Gaïd Salah est une partie de ce système et, de fait, il doit partir également", souligne Aziz, un militant de la section FFS de Bouira. En outre, le nouveau gouvernement de Bedoui a été dénoncé avec force et vigueur par les contestataires. "Un gouvernement de clowns, comiques et de sombres inconnus (…) Qu'ils dégagent tous !", ont-ils scandé. Dans la foulée, le président du Sénat, Abdelkader Bensalah, ainsi que celui du Conseil constitutionnel, Tayeb Belaïz, ont essuyé la colère du peuple, où des slogans tels que "Bensalah dégage" et "Belaïz casse-toi" ont été criés à tue-tête. Les marcheurs, tout au long de leur procession qui les a conduits vers le siège de la wilaya, ont, bien évidemment, scandé des slogans hostiles au pouvoir en place. "Bouteflika bon débarras", "FLN dégage !", "Le peuple veut la chute du régime" ou encore le traditionnel "Pouvoir assassin". À noter que les rangs des marcheurs ne cessaient de grossir au fur et à mesure que la foule avançait. Une ultime halte a été effectuée à l'espace de la maison de la culture Ali-Zaâmoum de Bouira, où l'immense foule a observé une minute de silence à la mémoire des martyrs de la guerre de Libération nationale, ainsi qu'à ceux du Printemps noir.