La bataille de Tripoli semble être tout le contraire d'une guerre éclair. Le maréchal Khalifa Haftar, commandant en chef de l'autoproclamée Armée nationale libyenne (ANL), le constate d'ailleurs chaque jour à ses dépens. Visiblement mal renseignées sur les capacités militaires du gouvernement d'union nationale (GNA), ses unités éprouvent toujours les plus grandes difficultés à percer les lignes de défense de la capitale libyenne. Dans certaines localités, celles-ci ont même essuyé de lourdes pertes. En plus de faire face à une importante résistance, l'ANL est confrontée également à un sérieux problème de logistique qui risque de la paralyser et donc de la rendre plus vulnérable. Des sources affirment que l'armée de Haftar n'arrive pas à sécuriser l'opération d'approvisionnement en carburant de ses troupes. On dit aussi que le gouvernement de l'Est sera bientôt à court de liquidités, les banques ayant décidé de leur couper les vivres. Le site Maghreb confidentiel rapporte à ce propos que les unités de l'ANL se trouvant actuellement sur le front manquent de stocks de diesel pour alimenter leurs véhicules militaires. Le problème ne risque pas de se régler de sitôt, puisque la même source fait remarquer que la seule raffinerie du pays qui se trouve à Zawiya est contrôlée par les forces alliées au GNA. Il n'est pas évident non plus pour le maréchal Haftar de leur acheminer du carburant par voie terrestre à partir des ports que ses hommes contrôlent dans la mesure où la majorité des routes empruntées sont disputées par les forces anti-Haftar, notamment au niveau de Gharyan. Du coup, les unités de Haftar pourraient même se retrouver isolées. Panne sèche et lobbying Le début d'enlisement de l'ANL au sud de Tripoli a permis, en revanche, aux milices alliées au GNA d'organiser la riposte. Depuis quelques jours, les milices de Misrata se sont positionnées au sud de Tripoli. Elles remplacent par précaution les Brigades révolutionnaires de Tripoli (TRB). Le GNA redoute que leur chef, connu pour être proche des Emiratis, fasse défection. Au plan politique, le président du Conseil présidentiel libyen, Fayez Al Sarraj, a entrepris depuis quelques jours des démarches pour trouver des soutiens à Washington. Maghreb confidentiel révèle ainsi que le Premier ministre libyen vient de lancer une grande opération de charme en direction de l'administration Trump afin d'éviter qu'elle ne bascule totalement en faveur de Khalifa Haftar. Pour avoir des chances d'y parvenir, Fayez Al Sarraj vient de passer un contrat avec le Mercury Public Affairs, un important cabinet de lobbying qui travaille également avec le Qatar et la Turquie qui soutiennent le GNA. Il ne serait d'ailleurs pas étonnant de découvrir que le financement de l'opération de charme d'Al Sarraj dans la capitale fédérale américaine est assurée par Ankara et Doha. L'incapacité de l'armée de Khalifa Haftar à faire la différence sur le terrain pourrait jouer en faveur du gouvernement libyen reconnu par la communauté internationale. Pour le moment, l'opération de la prise de Tripoli tourne au bain de sang et expose toujours un peu plus la Libye à un risque de somalisation. Selon un bilan de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) rendu public vendredi, au moins 392 personnes ont été tuées et 1936 blessées en Libye depuis le lancement, le 4 avril, de l'offensive du maréchal Haftar sur Tripoli. Les combats ont également fait plus de 50 000 déplacés, a indiqué le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU (Ocha) en se disant «préoccupé par des chiffres alarmants de déplacements». Le ministre libyen de l'Education, Othman Abdel Jalil, également président du comité de crise gouvernemental, avait évoqué la veille le chiffre de 55 000 personnes déplacées, représentant 11 000 familles. Pour le moment, le gros des combats se déroule dans la banlieue sud et dans les environs de Tripoli.