Des véhicules enlevés aux forces de Khalifa Haftar Rappelant les arrangements avec Haftar lors de leur dernière rencontre à Abou Dhabi, Al Serraj a constaté que le maréchal avait «trahi l'accord» et «tenté de le poignarder dans le dos». Tandis que de violents combats se poursuivaient hier, dans la lointaine périphérie de la capitale libyenne, les troupes du maréchal Khalifa Haftar, engagées dans une offensive pour la prise de Tripoli, annonçaient leur premier raid aérien sur la ville. C'est le signe que les multiples appels de la communauté internationale sont restés vains et que le risque d'embrasement évoqué par le SG de l'ONU, Antonio Guterres, après avoir rencontré les deux protagonistes du conflit, n'est pas à exclure. Le chef du GNA Fayez al Serraj a appelé les forces qui combattent sous la bannière du gouvernement d'union reconnu par l'ONU à «barrer la route aux agresseurs» de l'Armée nationale libyenne autoproclamée que commande Haftar. Le porte-parole de ces forces loyales au GNA, le colonel Mohammed Gnounou, a confirmé le début d'une contre-offensive pour chasser «les forces illégitimes». La progression de l'ANL semble entravée par les violents combats qui se déroulent non loin de Tripoli, notamment dans la zone de Wadi Rabi et de l'aéroport de Mitiga. S'adressant au peuple libyen, Fayez al Serraj a averti qu'il n'y aura pas de «gagnant» dans cet affrontement dû à l'ambition de Haftar. «Nous avons tendu nos mains vers la paix mais, après l'agression qui a eu lieu de la part des forces appartenant à Haftar et sa déclaration de guerre contre nos villes et notre capitale (...), il ne trouvera que force et fermeté», a déclaré Al Serraj à la télévision. Rappelant les arrangements avec Haftar lors de leur dernière rencontre à Abou Dhabi, Al Serraj a constaté que le maréchal avait «trahi l'accord» et «tenté de le poignarder dans le dos». Il a conclu en révélant que les forces de soutien affluent de toutes les régions de la Tripolitaine pour faire face à l'«agression» des troupes venues de l'Est et pour défendre Tripoli. C'est après avoir fait main basse sur l'est du pays et une vaste partie du sud où se trouvent les champs pétroliers que Haftar a lancé son offensive, préparée de longue date, contre le GNA dont il entend se débarrasser, tout comme il ne cache guère son aversion pour les milices qui règnent à Misrata et Zintan, notamment. Pourtant, un fils du maréchal lui-même est acoquiné avec des milices salafistes dans la région de la Cyrénaïque et, s'il arbore le fanion du pourfendeur de Frères musulmans, c'est avant tout pour s'assurer l'appui financier et matériel des Emirats arabes unis et de certains pays occidentaux, mus par les intérêts sordides habituels. Haftar a sans doute pensé que l'attaque serait fulgurante et donc porteuse d'une victoire rapide, voire sans combats réels, ayant pris le soin de nouer des alliances avec certaines parties réfractaires dans la Tripolitaine. Il a ainsi misé sur un effondrement immédiat des milices armées loyales au GNA, de sorte que son porte-parole le général Ahmad El Mesmari n'a pas hésité à affirmer, samedi dernier, que la prise de Tripoli «ne saurait tarder». D'où la surprise et la déconvenue de l'ANL qui ne s'attendait guère à la réaction farouche des puissantes milices de Misrata, radicalement hostiles au personnage même de Khalifa Haftar, milices qui ont chassé de la ville de Syrte, en 2016, les combattants de Daesh. Or, elles ont été rejointes par celles de Zawiya ainsi que celles de Zintan avec lesquelles elles avaient scellé un accord en 2017, pour une réconciliation nationale, sous l'égide des médiations de l'ONU, de l'UA et du Groupe des pays voisins. Les milices de Zawiya, conduites par la brigade 166, ont gagné la capitale dès samedi dernier, avec des dizaines de véhicules blindés et de canons anti-aériens, pour barrer la route à l'ANL. L'arrivée de toutes ces composantes a été confirmée par la Force de protection de Tripoli, groupe de milices loyales au GNA et preuve a été donnée par l'ANL, elle-même, qui a «dénoncé» un raid aérien mené par un avion de Misrata. Des raids auxquels El Mesmari a promis «une riposte», tout en prétendant que l'offensive se poursuit «comme prévu». De son côté, le maréchal Haftar a tenu une réunion, dès samedi, avec le gouvernement non reconnu de Tobrouk, pour adopter un «plan de sécurisation de Tripoli et de la région ouest, après la fin des opérations militaires». Plan qui risque fort de ne pas voir le jour tant les observateurs sont convaincus que l'offensive va s'enliser et, peut-être même, échouer, auquel cas le sort de Haftar va se poser, tant il aura tout fait pour galvaniser le ressentiment des forces libyennes de l'ouest contre sa personne. Plus que jamais, le voilà confronté à la gageure d'une guerre prolongée et au danger fatal d'une défaite, sans oublier la désapprobation de la communauté internationale, en apparence unanime.