Le président de l'Etat, qui s'est muré, depuis son intronisation, dans un silence suspect, s'est enfin exprimé dimanche à la nation. Pour dire ce que l'on savait déjà, en s'en tenant à sa feuille de route, en maintenant la date butoir de l'élection présidentielle, et en présentant la vague d'arrestations des «3 têtes», barons de l'ancien régime, comme une demande centrale du peuple révolté. Bensalah, dont le départ est réclamé par ce même peuple, surfe sur la gestion par l'émotion ! Et ce n'est sans doute pas le fait du hasard si la prise de parole de Bensalah a coïncidé avec l'arrestation de trois symboles des dérives du système moribond qui a mené le pays à l'effondrement. Certes, la mobilisation des foules s'est faite autour de la dénonciation de la corruption, de la prédation, du pillage des deniers publics. Cependant, cette demande ne saurait occulter l'exigence première du hirak, d'épargner à la transition d'être menée par les symboles du système, dont le maintien aux commandes assurerait la pérennité de la gestion mafieuse, dictatoriale et catastrophique connue jusque-là. Le peuple, qui manifeste depuis plus de deux mois, a crié avec force qu'il veut être maître de son destin, en choisissant librement ses représentants. De fait, l'avènement de la IIe République souhaitée par la majorité ne serait qu'un leurre, si le gouvernement actuel et le chef de l'Etat, produits de régimes passés, disqualifiés, persévèrent dans leur entêtement à mener coûte que coûte et à n'importe quel prix une feuille de route obsolète et rejetée par le peuple qui exige un système politique nouveau répondant à ses attentes et à ses aspirations profondes de justice, de paix, de solidarité et de liberté. Car, pour reprendre Montesquieu, il n'y a pas mal plus grand et des suites plus funestes que la tolérance d'une tyrannie qui la perpétue dans l'avenir. Jusqu'à présent, rien n'indique que les appels constants et réguliers du peuple bénéficient de la moindre écoute des décideurs actuels… Le peuple a dit basta au système de terreur, de corruption et de vassalisation qui sévit depuis deux décades. Il veut bâtir un ordre nouveau, un nouvel espoir à travers une nouvelle Algérie sur des bases solides, des institutions viables et des acteurs intègres et engagés, soucieux de l'intérêt suprême du pays, qui a besoin d'une profonde refondation avec une réelle séparation des pouvoirs et une justice véritablement indépendante. Le peuple ne veut plus entendre parler de ce système, encore moins d'une alternance interne au système. Ne dit-on pas que c'est la liberté qui bâtit l'ordre, c'est elle qui, pour préserver sa propre existence, le détruit quand il vieillit et devient désordre…