La première de « L'après Hamlet », pièce écrite par Abdennabi Zaïdi, et présentée mardi au TRC par la troupe Ennibras aura recueilli tous les suffrages, tant la justesse de l'interprétation et l'originalité étaient au rendez-vous. Les applaudissements sincères et nourris à la fin de la représentation étaient la preuve que le public constantinois, éternel amateur du 4e art, sait reconnaître les siens. Ainsi, Abdennabi Zaïdi reprend le drame en réincarnant Hamlet en mouton, allusion faite à l'irrésolution caractérisant le personnage de William Shakespeare ; il le confronte cette fois au spectre d'Ophélie qu'il avait éconduite, en dépit de l'amour qu'il lui vouait (par pure stratégie de vengeance), et qui était morte par sa faute. En trois quarts d'heures, les cinq comédiens, menés par Sarhane Daoudi, l'expérimenté transfuge de Masrah Ellil, et par ailleurs metteur en scène de la pièce, personnifieront le combat intérieur du nouveau Hamlet, toujours en proie au doute. Le fantôme d'Ophélie, interprétée brillamment par la toute jeune Sara Mohseni, réussira enfin à convaincre l'éternel irrésolu à se défaire de sa toison d'ovin et à croire en lui-même ; Hamlet sera enfin intronisé roi, mais un bêlement final mettra le doute sur sa réelle capacité à saisir cette deuxième chance. Notons que l'accent a été mis sur la gestuelle et que la chorégraphie, expressive à souhait et exécutée avec brio par les trois autres comédiens, n'a pas hésité à « piquer », autant au ballet classique qu'à la danse moderne (à l'exemple de pas tirés de « Thriller » de Michael Jackson ou carrément empruntés à la Tektonik). Six mois de répétitions et de travail acharné ont été nécessaires à l'équipe pour monter la pièce, et pour un coup d'essai, nous pouvons sans crainte avancer que ce fut un coup de maître. Au sujet de l'expérimentation omniprésente, entre autres le fait de rejouer quelques scènes clés en guise de générique de fin, une véritable trouvaille, Sarhane Daoudi nous apprendra que sa toute première production en 1988, « La septième dimension, relevait déjà du théâtre expérimental » et que l'accueil réservé par le public à L'après Hamlet l'encourageait à explorer davantage cette voie. Concernant l'utilisation exclusive de l'arabe littéraire pour les dialogues, Sarhane parlera de « choix permettant une compréhension au-delà des frontières du pays, mais aussi de celles de la ville de Constantine ».