La crise du ciment persiste à Souk Ahras. Elle pèse de tout son poids sur la fiabilité des outils régulateurs de l'Etat ainsi que sur l'efficacité de ses outils répressifs si la thèse des « barons spéculateurs » qui détiennent le marché arrive à être révélée officiellement. Le prix du sac oscille entre 780 et 800 DA et heureux est celui qui arrive à avoir ses 10 ou 20 tonnes de ce matériau sans recourir aux interventions ou aux recommandations de personnes introduites dans le domaine. Une double enquête ouverte récemment par les services de la Gendarmerie nationale des wilayas de Souk Ahras et de Tébessa tente de remonter la filière jusqu'aux lieux de production de ce matériau et de limiter les responsabilités à chaque niveau, notamment lors de l'opération d'identification des entités demandeuses et celle de vente proprement dite. Les résultats de l'enquête n'ont pas encore été rendus publics, mais une source responsable au fait du dossier nous a indiqué, hier, qu'au moins une trentaine de personnes, dont des entrepreneurs et des prête-noms de responsables de quelques organismes publics, seraient impliquées dans de graves affaires de faux et usage de faux, d'opérations de ventes fictives et de spéculation liées à cette crise que traverse la wilaya. Contacté par téléphone, le président du bureau de wilaya de Confédération générale des opérateurs économiques algériens (CGOEA), Ammar Berrigue, a tenu à exprimer son « inquiétude quant à la persistance de ce phénomène qui entrave, a-t-il dit, le programme du président de la République et place les entrepreneurs de Souk Ahras au bord de la faillite ». Il saisit l'occasion pour fustiger un lobby décideur et critiquer « l'inexplicable mutisme de l'administration face à cette situation où seuls les barons semblent mener le bal ». Dans une doléance adressée au wali de Souk Ahras, le bureau local de la CGOEA demande un allégement des mesures bureaucratiques, le renforcement du contrôle du circuit formel et la lutte contre la spéculation par la mise en application des textes obligeant les opérateurs et autres commerçants légaux à présenter leurs factures à la demande des contrôleurs désignés à cet effet. De son côté, le bureau de wilaya de la Confédération algérienne du patronat (CAP) a tiré la sonnette d'alarme, à travers un communiqué de presse rendu public il y a deux semaines, sur les mesures bureaucratiques adoptées par certaines unités de production de ciment, dont une implantée dans la wilaya de Tébessa. Des intermédiaires jouissent, par contre, de facilités, voire d'un statut de privilégiés au niveau des points de vente. « Au moment où certains fournisseurs excellent en matière de procédures bureaucratiques, les prix du ciment demeurent élevés au marché noir, et avant que l'on revienne vers l'entreprise de production munis de dossiers, les spéculateurs, dispensés desdites mesures, auront écoulé leur marchandise au prix voulu », lit-on dans le communiqué.