Les journées passent, aussi creuses que les gens qui les habitent, des jours en forme de coquilles vides qui servent surtout à se rappeler les débuts et les fins de semaine pour savoir quand on travaille, ainsi qu'à fêter les anniversaires des proches quand on les aime. Grand absent le contenu, cette moelle épinière qui fait danser la colonne vertébrale, ce passager de train sans lequel le train n'existerait pas. Comme prévu pour la célébration de la liberté d'expression, le secrétaire d'Etat à la Communication a présenté hier de nouvelles stations étatiques, de la TNT et du numérique, dissertant longuement sur le contenant mais absolument pas sur le contenu. Comme prévu aussi, des manifestants, qui sont allés protester contre l'insupportable monopole de l'ENTV et pour demander du contenu, ont été eux-mêmes contenus et emmenés dans des contenants en forme de voitures de police puis au commissariat, ultime contenant pour rassembler toutes les foules de mécontents. En ce 4 mai, l'Algérie s'est encore vidée de sens, privée de fond, elle se perd dans les formes, celle des discours de circonstance sur la liberté d'expression et celle d'un cadre institutionnel où les grands absents sont l'Etat et la société civile. On l'aura compris, l'Algérie est un pays de containers. Peu importe ce qu'il y a dedans, le contenu n'est pas le container, l'important est d'importer. L'Algérie n'importe aucune bonne idée mais importe des centaines de formes différentes de pâtes alimentaires, longues, coudées, en ressorts ou en grains. En ce 4 mai, l'Algérie aura encore perdu une bataille, celle du sens sur la forme. Dans ce vide qui a été patiemment construit depuis des décennies résonne l'écho lointain d'une totale absence de vision ; entre un verre à moitié vide ou à moitié plein, le régime, pour ne pas se poser de question, a choisi de vider l'eau et de casser le verre.