Pour la troisième année consécutive, le ministère de l'Energie et des Mines, avec l'apport conséquent de Sonatrach, ouvre son restaurant se trouvant en contrebas de son siège ministériel. Les petites gens y affluent en grand nombre. Le lieu spacieux et se prêtant à merveille à ce genre d'opération est, le reste de l'année, le point de chute des salariés de la société nationale. Il retrouve une autre vocation plus inaccoutumée en ces temps d'indigence. Ambiance... « L'Etusa qui a ouvert un restaurant dans son parking qui se trouve sur l'autre côté de la rue s'est avisé par la suite et a fermé le sien. La société faisait payer, pendant le Ramadhan, une somme modique de 40 DA à ses employés et aux gens se trouvant dans le besoin qui s'y sont rabattus. Les responsables ont trouvé que les habitués ont déserté les lieux préférant ne pas débourser cette somme pourtant modérée », révéla cette homme, la trentaine, qui nous a servi de guide « informel » dans ce resto du cœur. Il soutiendra, en substance, qu'il est là pour « gagner une chambre ». Allusion faite au problème épineux du logement qui étreint et fait courir la masse des Algérois. Le nombre des ménages reste lui aussi l'autre cause « dénichée » par les besogneux. Cet administrateur travaille dans les archives nationales et est tout sauf un inactif. Ils n'est pas, à l'entendre, un mélancolique endurci. Il lui arrive, par moment, de gratter de la guitare. « Je rime à mes heures creuses. Et cela dans les trois langues. J'ai fait un brouillon d'un roman. Je suis dans les ultimes chapitres et les presses », lâcha-t-il pour battre en brèche les dires des gens bien pensants qui trouvent que les habitués sont de pauvres bougres. Comme quoi, les gens qui font ces lieux sont de tous les milieux. Une heure à peine nous sépare de l'heure fatidique que déjà des familles, portant des couffins bien en évidence, pressent le pas pour rejoindre leur tacot rangé non loin de là. Ces scènes font dire à certains que ces gens mangent « impunément » la soupe populaire. Selon nos vis-à-vis, des gens profitent de la proximité du restaurant pour venir s'y restaurer et revenir à leur prière des taraouih. Des policiers se trouvent en faction devant le portail qui mène vers la salle de restauration et veillent, avec l'appui des cinq agents de sécurité de Sonatrach, au grain. Des bips retentissent dans le silence pesant percé par les seuls véhicules qui déboulent à grande vapeur dans les deux sens. L'heure fatidique n'est guère loin. Un agent fait, le sourire bien huilé, l'ordre. Les hommes passent sous un portique de détection des métaux et vont presque en courant vers les rangées de barres métalliques. Les plateaux sont préparés à l'avance et les personnes n'ont qu'à se tenir « dociles » pour se voir servir leur pitance du jour. Les gens rejoignent à la queue leu leu le lieu et s'accommodent, tant bien que mal, du nombre sans cesse grandissant de présents. Ils prennent leur plateau avec, en prime, habitude algérienne oblige, un monceau de pain coupé en petits morceaux qu'il cueille dans un couffin. Trois postes de télévision sont visibles et crachotent dans un vacarme de kermesse des sons inaudibles. « Pauvre de nous », finira par lâcher un jeune, la mine défaite et le regard hagard, travailleur de son état dans un chantier de la capitale. Une ribambelle de sans-le-sou se rangent à ces côtés et discutent, avec frénésie, de leur journée de travail. Les « conviés » sont de toutes les régions avec, comme dominance, des travailleurs venus des régions défavorisées. Selon la charge de la gestion du restaurant, pas moins de 1200 repas sont servis chaque jour, dont plus de 400 repas chauds à emporter. Les travailleurs du restaurant, au nombre de 15 font leur tâche bénévolement. « Nous assurons le transport pour ceux qui habitent loin du centre-ville », dira notre interlocuteur. Le met est changé constamment. « Nous servons de la soupe tous les jours, par contre le plat de résistance n'est pas le même à chaque repas », conclura-t-il