L 'autoproclamée Armée nationale libyenne (ANL) qui mène depuis début avril une campagne militaire pour s'emparer de Tripoli et faire tomber le gouvernement d'union nationale (GNA) tente, depuis 72 heures, de faire reculer la ligne de front restée figée depuis plusieurs semaines. Les troupes du maréchal Khalifa Haftar ont bombardé à plusieurs reprises le centre de Tripoli. De lourds affrontements approchent lentement du centre de la capitale libyenne, Tripoli, a rapporté AP, citant un responsable et des résidants. Saraj Al Majbri, l'adjoint du chef d'état-major de la LNA, a déclaré lundi que ses forces avaient fait des gains dans la région de Salah Eddine, à quelques kilomètres du centre-ville. Cette avancée des unités de l'ANL intervient à un moment où Tripoli a pourtant renforcé son arsenal militaire avec l'acquisition de véhicules blindés. Les habitants ont signalé également de violents combats le long d'une route stratégique reliant la capitale à son aéroport international, qui n'est plus opérationnel depuis 2014. Le bilan du conflit armé entre les gouvernements de Tripoli et de Tobrouk est déjà lourd. L'Onu fait part de 562 personnes tuées et 2855 blessées. Les combats ont poussé aussi à la fuite plus de 80 000 personnes. Malgré ces lourdes pertes humaines et matérielles, les deux camps ne veulent toujours pas entendre parler de cessez-le-feu. Dans un entretien accordé dimanche au Journal du dimanche (JDD), le maréchal Khalifa Haftar a indiqué qu'il n'arrêtera son offensive que lorsqu'il ne restera plus aucune milice à Tripoli. Autrement dit, le commandant en chef de l'ANL promet un plus grand bain de sang. Ghassan Salamé avait averti lors de son passage, la semaine dernière devant le Conseil de sécurité de l'ONU, que l'offensive de Haftar n'est «que le début d'une longue et sanglante guerre». Bain de sang Haftar a encore justifié l'offensive contre Tripoli en affirmant qu'il se battait contre «des milices privées et des groupes extrémistes» qui, selon lui, «gagnent en influence dans la capitale sous le Premier ministre Fayez Al Sarraj». «Bien sûr, l'objectif est une solution politique», a cependant précisé Haftar au JDD. «Mais pour revenir à la politique, nous devons en finir avec les milices», a-t-il martelé. Khalifa Haftar a offert une amnistie aux combattants à Tripoli qui ont déposé les armes, affirmant qu'ils seraient autorisés à «rentrer chez eux sains et saufs». De son côté, le GNA accuse Khalifa Haftar de n'être mû que par le seul désir de prendre le pouvoir et d'instaurer un régime militaire. Dans la foulée, l'ancien général d'El Gueddafi a chargé lourdement l'émissaire de l'ONU pour la Libye, Ghassan Salamé, qu'il a accusé d'être devenu «un médiateur partial» dans le conflit. Le 21 mai, M. Salamé avait affirmé devant le Conseil de sécurité que la Libye était «sur le point de tomber dans une guerre civile». Le diplomate libanais avait averti que les combats opposant près de Tripoli Khalifa Haftar et son autoproclamée ANL au gouvernement d'union nationale (GNA) reconnu par la communauté internationale pourraient «conduire à la division permanente du pays». «La partition de la Libye, c'est peut-être ce que nos adversaires veulent. C'est peut-être ce que Ghassan Salamé souhaite aussi. Mais tant que je serai vivant, jamais cela ne se produira. Tout le reste n'est que chimères», a déclaré Khalifa Haftar. La Libye est fortement sous le contrôle de diverses forces rivales. Ces rivalités se sont accentuées avec l'entrée en jeu d'acteurs extrarégionaux, comme les puissances du Golfe. Concurrents, ces pays sont accusés aujourd'hui de chercher à s'emparer des ressources du pays et de l'utiliser comme «champ de bataille». D'où la possibilité de voir le conflit s'éterniser. Les spécialistes n'hésitent d'ailleurs plus à parler de guerre par procuration. Depuis le renversement de Mouammar El Gueddafi par l'Otan en 2011, la Libye a sombré dans un chaos qui a favorisé l'enracinement du terrorisme au Maghreb et au Sahel et provoqué la déstabilisation de plusieurs Etats.