Gravissime ! Le mot est moins fort pour qualifier l'attitude du président de la commission des affaires étrangères de l'APN et député du FLN, Abdelhamid Si Affif. En organisant, jeudi dernier, une rencontre-débat sur « Les relations entre l'Algérie et l'Union européenne » qui se voulait, comme il l'a affirmé, « un espace de libre débat », l'élu du FLN défraye la chronique en transformant la conférence en « un espace de débat orienté ». Pis encore, M. Si Affif s'érige en « censeur ». Et la censure est dirigée contre les députés du RCD qui sont parmi les rares élus à faire de l'opposition dans l'Assemblée dominée par « la pensée unique ». Comment ? M. Si Affif, qui présidait la conférence, n'a pas apprécié les interventions des députés du RCD qui ont posé, devant l'ambassadeur d'Espagne en Algérie, Gabriel Busquets (dont le pays assure la présidence de l'UE) et l'ambassadrice de l'Union européenne en Algérie, Laura Baeza, des questions sur les droits de l'homme et le rapport du régime algérien avec les Occidentaux. Le premier à avoir pris la parole a été Mohamed Khendak. Après avoir relevé l'énigmatique quota de 19 députés réservé au RCD et la consécration de la présidence à vie à travers l'amendement de la Constitution, M. Khendak revient sur le blocage de l'aide du PNUD accordée à la wilaya de Tizi Ouzou. Le tout pour démontrer aux représentants de l'UE la vraie nature du régime avec qui ils entretiennent des relations. Cette première intervention n'est pas du goût du député FLN, qui tente une première mise en garde sous forme d'un commentaire sur l'intervention de M. Khendak. Il demande à l'assistance de ne pas sortir du sujet. Il est aidé dans sa tentative par le député RND, Sedik Chihab. Ignorant même la provenance de l'aide financière dont parle son collègue du RCD, M. Chihab s'est senti obligé d'intervenir pour « dénoncer une ingérence étrangère ». « Mon ami Khendak m'a mis la puce à l'oreille. L'aide financière de l'Union européenne (« du PNUD », lui corrige le député du RCD) est une ingérence dans les affaires internes du pays », lance-t-il. Les débats se poursuivent. Les intervenants parlent de tout, sauf du sujet, qui est la relation entre l'Algérie et l'UE. Beaucoup de questions relatives à l'Accord d'association, à la circulation des personnes et à l'UPM pouvaient constituer des sujets importants à débattre par les députés, qui se sont focalisés uniquement sur la question du Proche-Orient et le conflit du Sahara occidental. Là, Si Affif ne bronche pas. Mais quand le tour de Hakim Saheb (député RCD) arrive, il réagit vivement, sortant de ses gonds sous les regards médusés des invités. Alors que M. Saheb parle « des entraves à la constitution de groupements régionaux, telles que la fermeture des frontières algéro-marocaines », M. Si Affif intervient pour lui couper la parole. « Vous êtes déjà cinq députés du RCD à intervenir. On a compris le manège. Vous êtes directement en contact avec les ambassadeurs », lance-t-il. La censure a concerné même le chef du groupe parlementaire du RCD, Boubekeur Derguini, qui n'a même pas eu l'occasion de parler. Drôle de libre débat !