Existe-t-il « une diplomatie parlementaire » en Algérie ? A-t-on entendu le Parlement algérien, avec ses deux chambres, se positionner sur des dossiers actuels tels que le conflit en Irak, le PKK en Turquie, la question nucléaire iranienne, le problème du Darfour au Soudan, la politique de voisinage européenne... ? Non, pas de position, ni débats. N'empêche, la commission des affaires étrangères de l'APN, conduite par son président Abdelhamid Si Affif, organise depuis hier, dans le cadre fastueux de Djenane El Mithaq à Alger, des journées d'étude sur « la diplomatie parlementaire ». Si Affif est fier d'annoncer que « c'est la première fois dans l'histoire législative algérienne » qu'une telle manifestation est organisée. « Il est vrai que les tourmentes de l'actualité internationale nous y invitent, voire nous y obligent, avec la multiplication des foyers de tension (...) de nouvelles menaces qui pèsent sur la paix... », a-t-il précisé. Selon lui, les parlementaires sont interpellés par des questions liées, entre autres, à la paix, à la sécurité, à la démocratie, aux droits de l'homme... James Jennings, de l'Union interparlementaire (UIP), dont le siège est à Genève, en Suisse, a rappelé ce que doit être le rôle d'un Parlement représentatif. « D'abord, prendre en compte les doléances des électeurs (...), les députés doivent être informés sur les grands enjeux, poser des questions aux responsables concernés, avoir un mandat pour participer aux négociations internationales à tous les niveaux, voter les budgets des plans d'application, faire un audit annuel des dépenses et demander des comptes au gouvernement », a-t-il expliqué. Dans les coulisses, on se rappelle que ni l'APN ni le Conseil de la nation n'ont demandé à prendre part aux négociations de l'Algérie à l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Les deux chambres ont été ignorées dans les discussions pour la signature par Alger de l'accord d'association avec l'Union européenne (UE). Le représentant de l'UIP a parlé du « réservoir de compétences et de connaissance » qui existe au niveau des commissions parlementaires qui peuvent venir en appoint des actions extérieures des Etats. La commission des affaires étrangères de l'APN compte une trentaine de députés. Il n'existe aucun texte qui précise les critères de sélection ou d'élection des membres de cette commission. Comme il n'existe aucun élément d'information sur l'action de cette structure à l'intérieur de l'APN. « Le Parlement algérien considère qu'il n'y a qu'une seule diplomatie officielle, celle qu'incarne le chef de l'Etat qui arrête et conduit la politique extérieure de la nation ; l'Algérie ne s'exprimant sur la scène internationale que d'une seule voix », a tranché Abdelaziz Ziari, président de l'APN. Pas de diplomatie parallèle donc. Pour lui, même passés « maîtres de l'art de convaincre », les députés ne peuvent pas se substituer au corps diplomatique. Cela dit, Abdelaziz Ziari n'a pas pris le soin de dresser les contours de ce que peut être « la diplomatie parlementaire », c'est-à-dire de l'institution qu'il dirige. Il s'est contenté de généralités théoriques du genre : « La diplomatie parlementaire peut conquérir une place méritoire dans ses relations internationales, en accompagnant, par ses efforts, l'action et les politiques tracées par les pouvoirs. » Autrement dit, en Algérie, les députés et les sénateurs ne peuvent ni concevoir, ni changer, ni peser sur la politique extérieure du pays. Leur rôle ? Accompagnement et soutien. Cela va, d'une certaine manière, à contresens de ce qu'a expliqué le représentant de l'UIP. L'UIP prend souvent position d'une manière claire sur les questions internationales. Récemment, elle a appelé à mettre fin aux violations des droits de l'homme au Myanmar (ex-Birmanie) et condamné l'assassinat au Liban du député Antoine Ghanem. M. Ziari a parlé également de la participation des députés algériens « aux grandes conférences » internationales, mais n'a rien dit sur l'absence de bilan ou d'explicatif sur l'objectif de ces participations et leur incidence sur la politique extérieure du pays. Le président de l'APN a pris part, début octobre 2007, à la 117e session de l'UIP, consacrée, entre autres, à la sécurité nationale, à la menace qui pèse sur la démocratie, et au contrôle parlementaire des politiques étatiques en matière d'aide étrangère et les droits de l'homme. On ne sait pas à ce jour quelles ont été les propositions algériennes faites lors de cette session. Et ce n'est qu'un exemple. Mourad Medelci, ministre des Affaires étrangères, a, lui, une autre vision. La diplomatie parlementaire peut, selon lui, influencer les leaders d'opinion et les centres de prise de décisions. La raison ? « L'indépendance des députés », a-t-il dit. « Les Parlements ont une place particulière sur le plan international, puisque la diplomatie qu'ils mènent complète celle des Etats », a-t-il indiqué. On n'est donc plus dans « l'accompagnement » que dans « le complément ». Ziari et Medelci parlent-ils de la même voix ? Medelci a annoncé que l'Institut diplomatique et des relations internationales (IDRI) va s'ouvrir à des « grands diplomates » qui vont y animer des conférences. Reste que l'IDRI, que dirige l'ancien ambassadeur, Tedjini Salaoundji, et qui a été créé en 2002, est une institution peu ouverte au public, son site internet n'est pas réactualisé et ses publications sont introuvables. A noter enfin que les journées d'étude de Djenane El Mithaq sont co-organisées avec l'Institut de formation et d'études législatives (IFEL), autre organisme peu connu du public.