Pourquoi le mouvement populaire rejette-t-il en bloc l'offre de dialogue lancée par le chef d'état-major de l'armée, Ahmed Gaïd Salah, et le chef de l'Etat, Abdelkader Bensalah ? A qui s'adresse cette offre ? Avec qui les autorités veulent-elles dialoguer ? Le peuple est-il contre cette option, unique alternative pour sortir le pays de l'impasse ? Les Algériens, qui sortent dans la rue par centaines de milliers chaque vendredi depuis le 22 février, ne sont pas contre le dialogue. Bien au contraire, ils plaident pour le principe d'aller vers un dialogue inclusif, qui rassemble tous les segments de la société, et vers une transition démocratique pour préparer le terrain à une présidentielle transparente. Le peuple n'est plus «dupe», il est plutôt exigeant et pose des conditions avant d'accepter une offre. Aujourd'hui, l'opinion publique refuse catégoriquement de composer avec ceux qui ont mené le pays à la faillite. Ces derniers doivent partir et les slogans scandés chaque vendredi convergent tous dans ce sens. Le départ des symboles du système est l'une des plus importantes conditions posées par le peuple pour aller de l'avant. De l'avis de certains politologues, ceux qui sont concernés par le dialogue au premier chef, ce sont les acteurs sociaux : c'est-à-dire la société civile, en premier lieu, et les partis politiques. S'agissant de qui va chapeauter ce dialogue, une partie estime qu'il doit se faire au sein des institutions de l'Etat et cela du fait que le dialogue est lié à la notion d'intérêt national, mais il n'est pas nécessairement obligatoire qu'il ait lieu sous l'égide du gouvernement. D'autres observateurs et acteurs politiques sont très pessimistes du fait que les expériences du passé ont fait perdre tout crédit au dialogue : échec du dialogue en 1962, de même en 1992. De plus, le mouvement populaire n'est pas, selon eux, un mouvement social avec une liste de revendications à satisfaire. Il exige juste le départ du pouvoir qui est perçu comme totalement illégitime. «Dans ces conditions, le dialogue devient sans objet. C'est tout l'enjeu de l'exigence d'une transition. Tant que le pouvoir n'a pas pris conscience que son temps est passé et qu'il ne reconnaît pas qu'il doit céder à la demande du peuple, le dialogue sera inutile», estime Ali Rachedi. Pour le politologue Mohamed Taibi, le mouvement populaire est dans une voie patriotique, il ne veut pas des «anciennes têtes». «Les revendications du changement sont légitimes et ne peuvent être menées que par des hommes légitimes, intègres et compétents. L'amorce du dialogue ne peut se faire, si l'on ne répond pas favorablement aux besoins et exigences du peuple. Que les tenants du pouvoir partent pour désamorcer la bombe», suggère ce politologue qui ajoute que nous sommes face à une équation complexe : celle de choisir entre le politique et le constitutionnel. Mais pour beaucoup d'observateurs, une solution politique s'impose au regard de la situation de crise que vit le pays. Est-il politiquement correct d'appeler au dialogue pour aboutir à l'organisation d'une élection avec Bensalah comme chef d'Etat et Bedoui comme Premier ministre et toute l'administration actuelle au cœur de cette opération ? D'aucuns se demandent comment Bedoui peut rester au gouvernement et être partie prenante du dialogue ,alors que son nom est associé à la fraude massive d'il y a 5 ans. Le clan Bouteflika a détruit le corps politique et pour le reconstruire cela va demander du temps, seulement beaucoup restent persuadés qu'avec le départ des «3B», il y aura consensus autour des personnalités qui composeront la commission d'organisation et de surveillance des élections. Mais pour y arriver, il faut une volonté politique et que les profils des acteurs qui activent par hirak interposé et qui mènent une contre-révolution soient identifiés…