Les dynamiques de la société civile ont réussi à transcender leurs divergences et parapher un document commun portant proposition de sortie de crise. Après quatre rencontres préparatoires et d'âpres négociations, les représentants des trois collectifs regroupant plus de 70 associations, organisations et ordres professionnels, ont réussi à tenir leur conférence nationale. Le rendez-vous a eu lieu au siège du syndicat Cnapeste, faute d'autorisation, que l'administration n'a accordée qu'en début de matinée (hier à 9h), alors que la demande avait été faite en début de semaine. «La demande d'autorisation de cette conférence a été déposée au début de la semaine. L'administration a attendu jusqu'à aujourd'hui (hier, ndlr) pour donner son accord, alors que la salle de conférence nécessite des préparatifs», regrette Messaoud Boudiba, porte-parole du Cnapeste. Pour Saïd Salah, vice-président de la LADDH, «Cette attitude de l'administration renseigne sur les intentions du pouvoir qui ne veut pas de dynamiques de la société qui échappent à son contrôle.» Malgré cette tentative déguisée d'entraver la rencontre, la conférence s'est tenue dans une salle archicomble. Environ 400 personnes, représentant entre 70 et 80 associations et organisations, étaient présentes. C'est la majorité des représentants de la société civile autonome et active. Tout le monde a répondu : des responsables des syndicats autonomes, dont le Cnapeste, le Snapest, l'Unpef, le SNPSSP et le SNSP, l'Ordre des médecins, les associations RAJ, SOS disparus, les Oulémas, le réseau Nada et des organisations, dont la LADDH (ailes Benissad et Zehouane) et la LADH. «Une rencontre historique» Cette rencontre est qualifiée d'«historique» par les organisateurs qui se félicitent de la réunion, pour la première fois, des acteurs de la société civile de différentes obédiences. Le fait marquant aussi, selon eux, est l'adoption d'une feuille de route commune pour sortir de la crise actuelle. Le document final, qui a été adopté par la conférence, plaide pour la mise en place d'une période de transition. D'une durée de six mois à une année, cette dernière sera gérée, selon l'initiative, par une personnalité nationale ou une instance présidentielle composée de personnalités nationales acceptées par le mouvement populaire. Les signataires se sont accordés aussi sur l'installation d'un gouvernement de compétences nationales pour gérer les affaires courantes. De plus, l'initiative propose l'installation de l'instance indépendante pour l'organisation des élections, qui se chargera également de l'annonce des résultats et de la mise en place des mécanismes de surveillance. Le document propose, en outre, l'activation du dialogue avec la classe politique, la société civile et les personnalités nationales, en vue d'aller vers une conférence nationale qui devra donner naissance à une solution idoine de sortie de crise. Par ailleurs, le texte insiste sur la nécessité d'«accélérer la transition démocratique, conformément à un processus électoral qui concrétise la rupture avec le système de la corruption et de la tyrannie, et qui garantisse l'édification d'institutions légitimes et crédibles». Des préalables à satisfaire La réussite d'une telle démarche suppose, selon le même document, la satisfaction d'un certain nombre de préalables. Il s'agit, particulièrement, de la préparation d'un climat propice à l'exercice des droits et des libertés individuelles et collectives, et au respect des droits de l'homme. «Des mesures d'accompagnement de l'action politique doivent être prises afin de gagner la confiance du citoyen et garantir sa participation effective dans ce processus national historique», lit-on dans le même document. «Nous ne refusons pas le dialogue. Mais nous ne pouvons pas dialoguer sans la levée de l'interdiction des marches, sans le respect de la liberté d'expression et de toutes les libertés et sans la libération des détenus d'opinion, dont Hadj Gharmoul maintenu en prison pour avoir dénoncer le 5e mandat», lance Abdelwahab Fersaoui, président de RAJ, qui s'est exprimé au nom du Collectif de la société civile pour une transition démocratique. Selon lui, le mouvement populaire en cours aspire aussi à bâtir «un Etat garantissant l'égalité et le respect de la différence». «Cette initiative doit s'ouvrir à d'autres forces afin d'arriver à cerner tous les points communs qui devront unir tous les Algériens», explique-t-il. «Le fruit d'un compromis» Selon Saïd Salhi, l'adoption de cette initiative «est le fruit d'un compromis et de négociations». «Cela n'a pas été facile. Mais aujourd'hui, nous avons réalisé un accord historique. Cette plateforme est celle de la société civile dans sa diversité, qui nous permet d'appréhender l'avenir et d'arracher la rupture avec le système qui est en train de manœuvrer et de manipuler l'opinion dans le but de se reproduire», explique-t-il, en insistant sur la nécessité «d'aller vers une transition effective». «Il n'est plus question de feuille de route imposée et dictée. Il n'est pas question de ressusciter les anciens cadres qui ont mené le pays vers la crise et le chaos», ajoute-t-il. Cette feuille de route sera proposée au mouvement populaire pour être débattue. Et en deuxième lieu, elle sera présentée à la classe politique. «Elle s'adresse aussi au pouvoir réel qui a sa propre feuille de route qui est en contradiction avec celle que nous venons d'adopter», souligne aussi Saïd Salhi.